Les panzers de la mort
des folles des maisons en feu et atteignaient le sol avec un bruit mou.
On en voyait ensuite quelques-unes ramper sur la terre, traînant après elles des jambes brisées. Des hommes abandonnaient leurs femmes et leurs enfants. Les humains étaient devenus des bêtes pour lesquelles une seule chose comptait : fuir… sauver sa peau !
Nous croisions des copains de la caserne, qui tentaient comme nous l’impossible pour arracher ces malheureux à l’enfer. Beaucoup d’escouades se composaient d’officiers, menés par un sous-officier du front ou par une première classe ; car ici, ce n’étaient plus les grades qui comptaient, mais l’expérience seule, et d’avoir des nerfs d’acier.
On creusait, on piochait, on sapait, Il fallait pénétrer dans les caves et les abris effondrés, lieux brûlants et puants, où nous attendaient des scènes d’horreur.
A un endroit, nous trouvâmes plus de cinq cents êtres humains dans un grand bunker en ciment. Ils étaient côte à côte, sagement assis ou étendus sur leurs bras repliés, n’ayant pas une égratignure : l’oxyde de carbone les avait tués, procédé qui aide énormément à mourir, dans un grand bombardement. Dans une autre cave, au contraire, la masse des gens agglutinés formait comme un mur, comme une pâte de boulettes oubliées dans une poêle, et fondues ensemble.
Pleurs, sanglots, appels au secours… des mères désespérées appelaient leurs petits, écrasés, brûlés, emportés par l’ouragan de feu, emmenés par des sauveteurs, puis abandonnés dans les rues où Ils erraient terrifiés. Un petit nombre se retrouvait, mais des centaines ne se revirent jamais plus. Les enfants disparurent dans le terrible aspirateur des misérables, la colonne de fuyards qui entraînait tout, le long des routes.
Des morts, Rien que des morts.
Parents, enfants, amis, relations, amoureux, ennemis…
Une seule et longue rangée de baignoires, remplies de cadavres, dont les flammes ont fait de minuscules momies.
Jour après jour, on enfourne les corps. C’est l’ouvrage de notre commando, celui des fossoyeurs.
Au premier signal de l’alerte, tous ont fait leurs derniers pas vers les caves. Tapis là, mourant de peur, jusqu’à ce que le fleuve infernal du phosphore ait rongé leurs corps tordus.
Ceux qui ne savent pas ce que c’est que pleurer peuvent venir l’apprendre avec nous, les hommes de la mort, le commando des blindés, auprès de ces tombeaux.
FURIOSO
BIEN entendu, un régiment disciplinaire, c’est fait pour les pires tâches, que ce soit en garnison ou au front.
Du front de l’est, nous en revenions. Il s’agissait maintenant d’apprendre le maniement des nouveaux blindés pour être ensuite envoyés boucher de nouveaux trous.
Nous avions tous passé par les camps de concentration, les prisons, les camps de redressement et autres institutions de torture du III e Reich. Mais, parmi nous, seuls Pluto et Bauer étaient des droit commun.
Pluto, le grand docker de Hambourg (dans le civil Gustav Eicken) avait été mis en taule pour vol d’un camion de farine. Il niait toujours, c’est vrai, mais même nous, ses amis, étions convaincus qu’il l’avait barbotée, cette farine. Bauer, cinq ans de travaux forcés pour vente clandestine d’un porc et de quelques -œuf s au marché noir.
Alte (sous-officier Willy Baier), notre chef d’escouade, était notre aîné, marié, deux enfants, menuisier de son état. Ses convictions politiques lui avaient valu un an et demi de camp de concentration, d’où, en tant que « non récupérable politiquement », il avait abouti au 27 e Régiment disciplinaire. Joseph Porta, soldat de ir e classe, long, maigre et d’une laideur-invraisemblable, n’oubliait jamais de dire qu’il était communiste. Un drapeau rouge amarré au haut du clocher de Saint-Michel l’avait finalement envoyé ici. C’était un Berlinois, d’une drôlerie et d’une imprudence inimaginables.
Hugo Stege était universitaire et avait été ramassé dans quelque démonstration d’étudiants. Trois ans d’Orianenbourg et de Torgau, avant d’aboutir au Creuset du 27 e . Möller, notre saint homme, n’avait pas voulu renier sa foi. IL portait le ruban mauve des étudiants de la Bible, à l’épaule, et ça lui avait coûté quatre ans à Gross Rosen, d’où on le gracia pour l’envoyer mourir chez nous. Quant à moi, j’avais déserté. Mon passage au camp de lengries avait été court, mais
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