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Les Piliers de la Terre

Les Piliers de la Terre

Titel: Les Piliers de la Terre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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ne porter autre chose que son écuelle, son couteau pendu
à sa ceinture et son manteau ficelé sur son dos. Elle avait toutefois la tâche
de conduire le porc jusqu’au moment où ils pourraient le vendre sur le marché.
    Tom ne
quitta pas des yeux Agnès, dans cette interminable traversée des bois. Elle
était à mi-terme maintenant et, outre le fardeau qu’elle avait sur le dos, elle
portait un poids considérable dans son ventre. Mais elle semblait infatigable.
Alfred aussi paraissait en bonne forme : il était à l’âge où les garçons
ont de l’énergie à revendre. Seule Martha peinait. Ses jambes maigres étaient
faites pour gambader, pas pour de longues étapes, et comme elle traînait les
autres devaient s’arrêter pour les attendre, elle et le cochon.
    Tout en
marchant, Tom songeait à sa future cathédrale. Il commençait comme toujours par
imaginer le portail : c’était très simple : deux montants soutenant un
demi-cercle. Puis il en imaginait un second, comme le premier. Il les
rapprochait pour former une profonde arcade. Ensuite il en ajoutait d’autres
jusqu’à en obtenir toute une rangée accolées les unes aux autres pour former un
tunnel. C’était l’essentiel d’une construction. Il ne fallait plus qu’un toit
pour se protéger de la pluie et deux murs pour soutenir le toit. Une église
n’est qu’un tunnel, avec quelques raffinements.
    Un tunnel
est sombre, d’où le besoin de fenêtres, un premier raffinement. Si les murs
étaient solides, on pouvait y percer des trous, arrondis en haut avec des côtés
droits et une base plate : la même forme que le portail original. Utiliser
des formes similaires pour les arcs, les fenêtres et les portes participait à
la beauté d’un bâtiment de même que la régularité. Tom se représentait douze
fenêtres identiques, à intervalles réguliers le long de chaque paroi du tunnel.
    Tom essaya
d’imaginer les moulures, les décorations… Soudain, il eut le sentiment qu’on
l’observait. C’est ridicule, se dit-il, si je suis observé, c’est par les
oiseaux, les renards, les chats, les écureuils, les rats, les souris et les
belettes, les hermines et les campagnols qui abondent dans la forêt !
    A midi ils
firent une halte, burent l’eau fraîche d’un ruisseau et mangèrent le bacon
froid et des pommes sauvages ramassées sur place.
    Dans
l’après-midi, Martha se sentit fatiguée et prit du retard dans la marche.
Tandis qu’elle les rattrapait, Tom se rappela Alfred au même âge. C’était un
bel enfant aux cheveux blonds, robuste et hardi. Avec un attendrissement mêlé
d’agacement, Tom regardait Martha pousser son cochon. Puis une silhouette
jaillit des broussailles, juste devant la petite. Ce qui se passa ensuite fut
si rapide que Tom put à peine en croire ses yeux. L’homme qui était apparu si
brusquement sur la route leva une massue au-dessus de son épaule. Un cri
horrifié monta à la gorge de Tom mais, avant qu’il ait eu le temps d’émettre un
son, l’homme abattit son arme sur Martha. Le coup la frappa à la tempe, Tom entendit
un choc sourd et l’enfant s’effondra comme une poupée désarticulée.
    Tom se
précipita vers l’enfant. La scène lui donna l’impression de contempler un
tableau peint tout en haut d’un mur d’église : il le voyait mais ne
pouvait rien faire pour le changer. L’agresseur, sûrement un hors-la-loi, était
petit et trapu, vêtu d’une tunique marron et pieds nus. Un instant il regarda
Tom droit dans les yeux et celui-ci put constater que son visage était
affreusement mutilé : on lui avait coupé les lèvres, sans doute en
châtiment d’un mensonge, et sa bouche était maintenant crispée en une grimace
permanente entourée de cicatrices en zigzag. Cet horrible spectacle aurait
arrêté Tom s’il n’y avait pas eu le corps inerte de Martha gisant sur le sol.
    Le bandit
détourna son regard de Tom pour s’intéresser au cochon. En un éclair, il se
pencha, fourra sous son bras l’animal gigotant et replongea dans les taillis,
emportant avec lui le seul bien que possédât la famille.
    Tom
s’agenouilla auprès de Martha. Il posa sa grande main sur sa petite poitrine et
sentit le cœur qui battait régulièrement, ce qui apaisa ses craintes ;
mais elle avait les yeux clos et du sang dans ses cheveux blonds.
    Agnès les
rejoignit. Elle tâta la poitrine de l’enfant, son poignet et son front, puis elle
lança à Tom un regard résolu. « Elle vivra,

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