Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Piliers de la Terre

Les Piliers de la Terre

Titel: Les Piliers de la Terre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
Vom Netzwerk:
garçons poussèrent des vivats : ils auraient été déçus si le
prisonnier était resté calme. Les mouvements de l’homme étaient entravés par
les cordes qui lui ligotaient les poignets et les chevilles, mais il secouait
la tête d’un côté à l’autre pour échapper au nœud. Au bout d’un moment, le bailli,
un grand gaillard, recula d’un pas et frappa du poing le prisonnier au creux de
l’estomac. L’homme se plia en deux, le souffle coupé, et le bailli en profita
pour lui passer la corde au cou et serrer le nœud. Puis il sauta à terre et
tendit la corde, en fixant l’autre extrémité à un crochet à la base de la
potence.
    C’était le
tournant : si le prisonnier se débattait maintenant, il n’en mourrait que
plus tôt. Les hommes d’armes dénouèrent les liens qui entravaient les jambes du
prisonnier et le laissèrent seul debout dans le chariot, les mains liées
derrière le dos. Le silence se fit dans la foule.
    Souvent un
incident se produisait à ce moment-là : la mère du prisonnier avait une
crise de nerfs, ou bien sa femme tirait un couteau et se précipitait sur la
plate-forme dans une tentative de dernière minute pour le sauver. Parfois le
condamné implorait le pardon de Dieu ou accablait ses bourreaux de malédictions
à vous glacer le sang. Les hommes d’armes s’étaient postés de chaque côté de
l’échafaud, prêts à faire face à tout incident.
    Ce fut
alors que le prisonnier se mit à chanter, d’une voix haute de ténor, très pure.
Les paroles étaient en français, mais même ceux qui ne comprenaient pas la
langue devinaient à sa plaintive mélodie qu’il s’agissait d’un chant de
tristesse et d’adieu.
    Une
alouette, prise au filet d’un chasseur chantait alors plus doucement que
jamais, Comme si les doux accents jaillis de son cœur Pouvaient libérer l’aile
du filet.
    En
chantant, il regardait, droit dans les yeux, quelqu’un au milieu de la foule.
Le vide peu à peu se fit autour de la personne qu’il fixait et chacun put la
voir. Comment ne l’avait-on pas remarquée plus tôt ?
    C’était
une fille d’une quinzaine d’années, aux longs cheveux d’un brun sombre, drus et
beaux, qui formaient une pointe sur son large front – ce qu’on appelait la
pointe du diable. Elle avait des traits réguliers et une bouche sensuelle aux
lèvres pleines. Les vieilles femmes notèrent sa taille épaisse et ses seins
lourds, comprirent qu’elle était enceinte et supposèrent que le condamné était
le père de son enfant à naître. Mais on vit surtout ses yeux, des yeux au
regard intense, enfoncés dans leurs orbites, d’une stupéfiante couleur dorée,
si lumineux et si pénétrants qu’on avait le sentiment qu’elle voyait jusqu’au
fond de votre cœur. Aussitôt on détournait le regard, redoutant qu’elle
découvrît vos secrets. Elle était en haillons et des larmes ruisselaient sur
ses douces joues.
    Le
conducteur du chariot lança au bailli un regard interrogateur. Le bailli se tourna
vers le prévôt, attendant un signe. Le jeune prêtre à l’air sinistre poussa le
prévôt d’un geste impatient, mais l’autre n’y prit pas garde. Il laissa le
voleur continuer à chanter. Il y eut un terrible silence tandis que la superbe
voix de cet homme si laid tenait la mort en échec.
     
    A la
tombée du jour le chasseur prit sa proie,
    l’alouette
jamais sa liberté ne retrouva.
    Tous,
hommes et oiseaux sont sûrs de mourir un jour,
    mais
les chansons peuvent vivre toujours.
     
    Quand la
chanson s’acheva, le prévôt regarda le bailli et fit un signe de tête. Le
bailli cria « hop ! » et fouetta le flanc du bœuf. Le charretier
en même temps fit claquer son fouet. Le bœuf fit un pas en avant, le prisonnier
debout dans la charrette trébucha, le bœuf entraîna le chariot et le prisonnier
tomba dans le vide. La corde se tendit et le cou du voleur se brisa avec un
bruit sec.
    Il y eut
un hurlement, et tous les regards se tournèrent vers la fille.
    Ce n’était
pas elle qui avait hurlé, mais la femme du coutelier à côté d’elle. Mais
c’était à cause de la fille qu’elle avait crié. Celle-ci à genoux devant la
potence, les bras tendus devant elle, avait la position qu’on prend pour lancer
une malédiction. Les gens s’écartèrent avec crainte : chacun savait que
les malédictions de ceux qui ont souffert l’injustice sont particulièrement
efficaces, et ils se doutaient tous qu’il y avait quelque chose de

Weitere Kostenlose Bücher