Les Piliers de la Terre
Canterbury avant William Mandeville, sinon ses gens se
trouveront sur notre chemin. »
Waleran
s’adressa à William : « Ils ont besoin avec eux d’un homme plus âgé
pour les guider et préparer l’opération. »
William ne
demandait qu’à accepter. Non seulement cela résoudrait tous ses problèmes, mais
le roi lui donnerait sans doute un comté en récompense. « Tout de même,
tuer un archevêque, c’est un terrible péché ! protesta-t-il.
— Ne
vous inquiétez pas pour cela, riposta Waleran, je vous donnerai
l’absolution. »
La gravité
de l’acte qu’ils se préparaient à commettre pesait sur William comme un nuage
d’orage tandis que le groupe d’assassins faisait voile vers l’Angleterre. Il ne
pensait à rien d’autre : il ne pouvait ni manger ni dormir, agissait comme
un somnambule et tenait des propos confus. Quand le vaisseau atteignit Douvres,
il était prêt à abandonner le projet.
Ils
atteignirent le château de Saltwood, dans le Kent, un lundi soir, trois jours
après Noël. Le domaine appartenait à l’archevêque de Canterbury mais, durant
l’exil de ce dernier, il avait été occupé par Ranulf de Broc, qui avait refusé
de le rendre. Une des plaintes que Thomas formulait auprès du pape était
précisément que le roi Henry n’avait pas réussi à lui faire restituer le
château.
Ranulf
redonna du courage à William.
En
l’absence de l’archevêque, il avait ravagé le Kent et se montrait disposé à tout
faire pour conserver sa liberté d’agir. Il avait adopté avec enthousiasme le
projet d’assassinat et accueilli avec joie l’occasion d’y prendre part. La
façon pratique dont il analysait les problèmes dissipa le brouillard de crainte
superstitieuse qui assombrissait la vision de William. Celui-ci se plut à
imaginer qu’il retrouvait son titre de comte et sa liberté sans personne pour
lui dicter sa conduite.
Ils
veillèrent presque toute la nuit. Ranulf dessina sur la table, avec un couteau,
un plan de l’enclos de la cathédrale et du palais de l’archevêque. Les
bâtiments du monastère se trouvaient sur le côté nord de l’église. L’archevêché
était rattaché à l’angle nord-ouest de l’église. On y pénétrait par la cour des
cuisines. Tout en travaillant sur le plan. Ranulf envoya des cavaliers dans ses
garnisons de Douvres, de Rochester et de Bletchingley, pour donner ordre à ses
chevaliers de le retrouver au matin sur la route de Canterbury. A l’aube, les
conspirateurs allèrent se prendre une heure ou deux de sommeil.
Après ce
long voyage, William avait les jambes en feu. Il espérait que cette opération
militaire serait la dernière à laquelle il participerait. Si ses calculs
étaient exacts, il aurait bientôt cinquante-cinq ans et il devenait trop vieux
pour ce genre d’exercice.
Malgré sa
fatigue et l’influence réconfortante de Ranulf, il ne parvint pas à trouver le
sommeil. L’idée de tuer un archevêque le terrorisait, même s’il avait été par
avance absous de son péché.
Ils
avaient conçu un bon plan d’attaque, certes, mais qui tournerait mal, il en
était sûr : il y avait toujours quelque chose qui tournait mal.
L’important, c’était d’avoir la souplesse nécessaire pour réagir à l’inattendu.
Tout de même, ce ne serait pas très difficile pour un groupe de guerriers professionnels
de maîtriser une poignée de moines efféminés.
La pâle
lumière d’un gris matin d’hiver filtrait dans la pièce par les fenêtres en
meurtrières. William se leva. Il essaya de dire ses prières, mais n’y parvint
pas. Les autres s’étaient levés de bonne heure aussi. Ils prirent leur déjeuner
ensemble dans la salle. Outre William et Ranulf, il y avait Reginald Fitzurse,
dont William avait fait le chef du groupe d’attaque ; Richard Le Bret, le
benjamin de la troupe ; William Tracy, l’aîné ; et Hugh Morville, le
plus élevé en grade.
Ils
revêtirent leurs armures et partirent sur les chevaux de Ranulf. Il faisait un
froid mordant et le ciel était assombri par des nuages gris et bas, comme s’il
allait neiger. Le groupe suivit la vieille route qu’on appelait Stone Street.
Au cours des deux heures et demie du trajet, il s’augmenta de plusieurs autres
chevaliers.
Le point
de rassemblement final était à l’abbaye Saint-Augustin, en dehors de la ville.
L’abbé était un vieil ennemi de Thomas, selon Ranulf. Mais William n’en décida
pas moins de lui dire qu’ils
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