Les Piliers de la Terre
s’inclinant.
Les
visiteurs n’étant pas armés, l’intendant n’avait aucune raison de leur opposer un
refus. Il quitta la table et se dirigea vers le fond de la salle.
William et
les quatre chevaliers lui emboîtèrent le pas, suivis par les regards des
serviteurs silencieux. William, tremblant comme autrefois avant une bataille,
espérait que le combat allait bientôt commencer. Alors, seulement, il se
sentirait bien.
Ils
s’engagèrent dans un escalier menant à l’étage supérieur et débouchèrent dans
une spacieuse antichambre, garnie de bancs sur tous les côtés. Au centre de
l’un des murs, se dressait un grand trône. Plusieurs prêtres et moines en robe
noire avaient pris place sur les bancs, mais le trône était inoccupé.
L’intendant
s’approcha d’une porte ouverte. « Monseigneur archevêque, lança-t-il d’une
voix forte, des messagers du roi. »
On
n’entendit pas de réponse, mais l’archevêque avait dû lui faire un signe, car
l’intendant invita le groupe à entrer.
Thomas
Becket était assis au bord du lit, vêtu de sa robe d’archevêque. Assis à ses
pieds, un moine écoutait l’archevêque. William croisa son regard et eut la
surprise de reconnaître le prieur Philip de Kingsbridge. Que faisait-il
ici ? Sûrement qu’il quémandait une faveur. Bien qu’élu évêque de
Kingsbridge, Philip n’avait pas encore été confirmé à ce poste. A présent, se
dit William avec une joie sauvage, il ne le serait jamais.
Philip
n’était pas moins stupéfait de rencontrer William. Thomas continua son
discours, comme s’il n’avait pas remarqué les visiteurs. Attitude délibérément
provocante, songea William. Les chevaliers s’assirent sur les tabourets et les
bancs qui entouraient le lit, ce que William considéra comme une erreur :
leur visite prenait un caractère mondain et il eut le sentiment que sa troupe
avait un peu perdu de son élan. Peut-être était-ce justement le but de Thomas.
L’archevêque
finit par lever les yeux sur eux. Il ne se leva pas pour les accueillir. Il les
connaissait tous, à l’exception de William, et son regard s’arrêta sur Hugh
Morville, le plus haut en grade. « Ah, fit-il, Hugh. »
William
avait placé Reginald en charge de cette phase de l’opération. Ce fut donc
Reginald et non Hugh qui répondit à l’archevêque : « Nous venons de
la part du roi qui séjourne en Normandie. Voulez-vous entendre son message en
public ou en privé ? »
Le regard
froid de Thomas alla de Reginald à Hugh pour revenir à Reginald. Son expression
disait qu’il était offensé d’avoir affaire à un subalterne de la délégation. Il
soupira. « Laissez-moi, Philip », dit-il au moine.
Philip se
leva et passa devant les chevaliers, l’air soucieux.
« Mais
ne fermez pas la porte », lui cria Thomas.
Quand
Philip fut sorti. Reginald parla : « Je vous demande, au nom du roi,
de venir à Winchester répondre des accusations portées contre vous. »
William
eut la satisfaction de voir Thomas pâlir. « C’est donc cela »,
murmura l’archevêque. Il leva la tête. L’intendant rôdait près de la porte.
« Fais entrer tout le monde, lui ordonna Thomas. Je veux que tous
entendent »
Les moines
et les prêtres parurent aussitôt, le prieur Philip parmi eux. Certains
s’assirent, d’autres restèrent debout, adossés aux murs. William n’éleva pas
d’objection : au contraire, plus il y avait de gens présents, mieux cela
vaudrait : l’objet de cette rencontre était d’établir devant témoins que
Thomas refusait de se plier à un ordre du roi.
Quand ils
furent tous installés, Thomas se tourna vers Reginald.
« Alors ?
interrogea-t-il.
— Je
vous demande, au nom du roi, de vous rendre à Winchester pour répondre des
accusations portées contre vous, répéta Reginald.
— Quelles
accusations ? fit calmement Thomas.
— Trahison ! »
Thomas
secoua la tête. « Je refuse d’être jugé par Henry, répondit-il avec calme.
Je n’ai commis aucun crime, Dieu le sait.
— Vous
avez excommunié des serviteurs du roi.
— Ce
n’est pas moi, mais le pape, qui a fait cela.
— Vous
avez suspendu d’autres évêques.
— J’ai
offert de les réintégrer dans des conditions inspirées par la miséricorde. Ils
ont refusé. Ma proposition demeure.
— Vous
avez menacé la succession au trône en condamnant le couronnement du fils du
roi.
— Je
n’ai rien fait de tel. L’archevêque
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