Les Piliers de la Terre
d’York n’a nullement le droit de couronner
qui que ce soit, et le pape l’a réprimandé pour son effronterie. Mais personne
n’a prétendu que le couronnement n’était pas valable.
— Maudit
imbécile, s’exclama Reginald, exaspéré, l’un découle de l’autre.
— En
voilà assez ! s’écria Thomas.
— Nous
en avons assez de vous, Thomas Becket, s’écria Reginald. Par les plaies de
Dieu, nous en avons assez de vous, de votre arrogance, de vos duperies et de
votre trahison. »
Thomas se
leva. « Les châteaux de l’archevêque sont occupés par les hommes du roi,
s’exclama-t-il. Les loyers dus à l’archevêque ont été encaissés par le roi.
L’archevêque a reçu l’ordre de ne pas quitter la ville de Canterbury. Et vous
osez dire que c’est vous qui en avez assez ? »
Un des
prêtres tenta d’intervenir : « Monseigneur, discutons cette affaire
en privé.
— A
quelle fin ? répliqua Thomas. On exige de moi une chose que je ne dois pas
faire et que je ne veux pas faire. »
Les éclats
de voix avaient attiré tous les gens qui se trouvaient au palais et le seuil de
la chambre était encombré d’auditeurs éberlués, constata William. La discussion
avait assez duré : personne ne pouvait nier maintenant que Thomas refusait
d’obéir à un ordre royal. William fit un signe à Reginald : un geste
discret, mais que le prieur Philip remarqua en notant aussitôt que le chef du
groupe n’était pas Reginald, mais William.
« Archevêque
Thomas, déclara cérémonieusement Reginald, vous n’êtes plus sous la paix et la
protection du roi. » Il se retourna pour s’adresser à l’assistance.
« Evacuez cette chambre », ordonna-t-il.
Personne
ne bougea.
« Moines,
déclara Reginald, je vous ordonne au nom du roi de garder l’archevêque et de
l’empêcher de s’enfuir. »
Ils n’en
feraient rien, naturellement. William ne le souhaitait pas non plus, bien au
contraire. Il espérait que Thomas tenterait une évasion qui leur donnerait
l’occasion de l’abattre.
Reginald
se tourna vers l’intendant, William Fitzneal, théoriquement le garde du corps
de l’archevêque. « Je vous arrête », déclara-t-il. Il empoigna
l’intendant par le bras et le fit sortir de la pièce. L’homme n’opposa aucune
résistance. William et les autres chevaliers les suivirent.
Ils
dévalèrent l’escalier et traversèrent la salle. Richard, le jeune chevalier,
était toujours de garde sous le portail. William se demanda que faire de
l’intendant. « Es-tu avec nous ? » lança-t-il à brûle-pourpoint.
« Oui,
si vous êtes avec le roi ! » répliqua l’homme, terrifié.
Il avait
bien trop peur pour représenter un danger, quel que fût le camp dans lequel il
se rangeait, estima William. Il se tourna vers Richard. « Gardez-le à
l’œil. Que personne ne quitte le bâtiment. Maintenez le portail fermé. »
Avec les
autres chevaliers, il traversa en hâte la cour jusqu’au mûrier. Ils reprirent
précipitamment leurs casques et leurs épées. C’est l’heure, songea William,
empli de frayeur. Nous allons revenir là-bas et tuer l’archevêque de
Canterbury. Oh ! mon Dieu. William n’avait pas porté de casque depuis
longtemps et la coiffe en cotte de mailles qui protégeait le cou et les épaules
le gênait. Il maudit ses doigts maladroits. Il n’y avait pas de temps à perdre.
Il aperçut un jeune garçon qui l’observait, bouche bée, et lui cria :
« Eh ! Toi ! Comment t’appelles-tu ? »
Le garçon
se tourna vers les cuisines, ne sachant s’il devait répondre à William ou
s’enfuir. « Robert, seigneur, dit-il après un moment. On m’appelle Robert
Pipe.
— Viens
ici, Robert Pipe, et aide-moi. »
Le garçon
hésitait toujours.
« Viens,
ou bien je jure par le sang de Jésus que je vais te trancher la main avec cette
épée ! » cria William à bout de patience.
Le jeune
homme s’avança à contrecœur. William lui montra comment maintenir la cotte de
mailles tandis qu’il coiffait son casque. Aussitôt après Robert Pipe détala. Il
raconteracette histoire à ses petits-enfants, songea William.
Le casque
était muni d’un ventail, protégeant la bouche, qu’on tirait et fixait avec une
courroie. Les autres avaient déjà fermé les leurs, dissimulant leurs visages,
si bien qu’on ne pourrait plus les reconnaître. William garda le sien ouvert
encore un moment. Chaque chevalier tenait une épée dans une main et
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