Les Piliers de la Terre
étaient venus arrêter Thomas, et non le tuer.
C’était la version qu’ils devraient maintenir jusqu’au dernier moment :
personne ne devait connaître le véritable but de l’opération, sauf William
lui-même, Ranulf et les quatre chevaliers venus de France.
Ils
atteignirent l’abbaye à midi. Les hommes que Ranulf avait convoqués les
attendaient déjà. L’abbé leur offrit à dîner. Son vin était fort bon et ils en
burent tous en abondance. Ranulf donna ses instructions aux hommes d’armes qui
cerneraient l’enclos de la cathédrale pour empêcher quiconque de s’échapper.
Bien qu’il
ne quittât pas l’âtre où brûlait le feu, William ne cessait de frissonner. Ce
serait une opération simple, mais ils risquaient leur vie. S’ils réussissaient,
le roi trouverait un moyen de justifier le meurtre de Thomas. Mais en cas
d’échec. Henry en aucun cas ne pourrait appuyer la tentative
d’assassinat : il nierait en avoir eu connaissance et ferait pendre les
coupables. Comme shérif de Shiring, William avait pendu bien des gens, mais
l’idée de son propre corps se balançant au bout d’une corde le faisait
trembler.
Il
s’obligea à penser au comté qui serait sa récompense en cas de victoire. Quel
bonheur d’être de nouveau comte sur ses vieux jours, respecté et obéi sans
contestation ! Peut-être le frère d’Aliena, Richard, mourrait-il en Terre
sainte. Le roi Henry rendrait alors à William son ancienne propriété. Cette
perspective le réchauffa plus que le feu.
Lorsqu’ils
quittèrent l’abbaye, ils formaient une petite armée, qui n’eut aucun mal à
entrer dans Canterbury. Ranulf contrôlait depuis six ans cette partie du pays
et il n’avait pas encore perdu son autorité. Il avait même plus d’influence que
Thomas, qui s’en était amèrement plaint au pape.
Sitôt dans
la place, les hommes d’armes se dispersèrent autour de l’enceinte de la
cathédrale et en bloquèrent toutes les issues.
L’opération
avait commencé. Jusque-là on aurait pu encore théoriquement tout annuler mais,
désormais, se dit William avec un frisson d’angoisse, les dés étaient jetés.
Tandis que
Ranulf se chargeait du système de surveillance, William posta un groupe de
chevaliers dans une maison située en face de la porte principale de l’enceinte.
Pendant que Reginald Fitzurse et les trois autres conspirateurs pénétraient à
cheval dans la cour des cuisines, comme des visiteurs officiels, William fit
irruption dans le poste de garde et, avec l’aide de quelques soldats, maintint
à la pointe de l’épée le portier terrifié.
L’attaque
prenait tournure.
Comme un
automate, William ordonna à un homme d’armes de ligoter le portier, puis
rassembla dans le poste le reste de sa troupe et ferma la porte. Plus personne
maintenant ne pouvait entrer ni sortir : il avait pris le contrôle armé
d’un monastère.
William
rejoignit les quatre conspirateurs dans la cour des cuisines. Il y avait des
écuries au nord de la cour, mais les quatre acolytes avaient attaché leurs
chevaux à un mûrier planté au centre. Ils se débarrassèrent de leurs ceinturons
et de leurs casques pour préserver encore un moment l’aspect d’une délégation
pacifique.
William à
son tour abandonna ses armes au pied de l’arbre. Reginald l’interrogea du
regard. « Tout va bien, annonça William. L’endroit est coupé du
monde. »
Ils
traversèrent la cour jusqu’au portail du palais. William chargea un chevalier
du nom de Richard d’y rester pour monter la garde. Les autres pénétrèrent dans
la grande salle.
Les
domestiques du palais étaient assis à dîner. Cela signifiait qu’ils avaient
déjà servi Thomas, ainsi que les prêtres et les moines en sa compagnie. Un des
serviteurs se leva. « Nous sommes les hommes du roi », déclara
Réginald.
Le silence
se fit dans la salle. L’homme qui s’était levé à leur entrée se présenta :
« Bienvenue, mes seigneurs, je suis l’intendant, William Fitzneal.
Veuillez vous installer, je vous prie. Voudriez-vous dîner ? »
Il était
d’une courtoisie parfaite, songea William, compte tenu du fait que son maître
était en conflit avec le roi.
« Pas
de dîner, merci, dit Reginald.
— Une
coupe de vin, après votre voyage ?
— Nous
avons un message du roi pour ton maître, répliqua Reginald avec impatience.
Veux-tu nous annoncer sans tarder ?
— Très
bien », dit l’intendant en
Weitere Kostenlose Bücher