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Les Piliers de la Terre

Les Piliers de la Terre

Titel: Les Piliers de la Terre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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occupé à
ces améliorations pour la gloire de Dieu, n’y a-t-il aucun orgueil dans mon
cœur ?
    Oh que
si !
    Dans
l’atmosphère froide et sainte de l’église, il ne pouvait pas se tromper
lui-même. Son but était de servir la gloire de Dieu, mais la gloire de Philip
ne lui déplaisait pas. Il aimait l’idée de donner des ordres que personne ne
pourrait discuter. Il se voyait prenant des décisions, rendant la justice,
prodiguant des conseils et encouragements, distribuant pénitences et pardons à
son gré. Il imaginait les gens disant : « Philip de Gwynedd a
vraiment réformé ce couvent. C’était une honte avant qu’il ne le prenne en main,
et regardez-le maintenant ! »
    Mais je
serai bon, se dit-il. Dieu m’a donné un cerveau pour gérer des biens et le don
de mener des groupes d’hommes. Je l’ai prouvé comme cellérier de Gwynedd et
comme prieur de Saint-John-de-la-Forêt. Quand je dirige une communauté, les
moines sont heureux. Dans mon prieuré, les vieillards n’ont pas d’engelures et
les jeunes ne se sentent pas frustrés par manque de travail. Je m’occupe des
gens.
    D’autre
part, aussi bien Gwynedd que Saint-John-de-la-Forêt paraissaient des endroits faciles
comparés au prieuré de Kings-bridge. Le couvent de Gwynedd était déjà bien
mené. La communauté de la Forêt avait connu des problèmes avant son arrivée,
mais elle était minuscule et facile à contrôler. Auprès de cela, la réforme de
Kings-bridge était un travail herculéen. Il faudrait peut-être des semaines
rien que pour faire l’inventaire des ressources : la surface des terres,
leur emplacement, leur emploi – forêts, pâturages ou champs de blé. Prendre le
contrôle de ces domaines éparpillés, trouver ce qui n’allait pas et le remettre
en ordre, faire de toutes ces parties un ensemble prospère demanderait des
années. Tout ce que Philip avait réalisé dans la communauté de la Forêt,
c’était d’amener une douzaine de jeunes gens à travailler dur dans les champs
et à prier solennellement à l’église.
    Bon,
reconnut-il, mes motifs ne sont pas tout à fait purs et mes talents encore
incertains. Peut-être devrais-je refuser de me présenter. Du moins éviterais-je
le péché d’orgueil. Mais qu’avait donc dit Cuthbert ? « Un homme peut
tout aussi bien décevoir la volonté de Dieu par un excès d’humilité. »
    Quelle est
la volonté de Dieu ? Finit-il par se demander. Veut-il Remigius ? Les
capacités de Remigius ne sont pas supérieures aux miennes ni probablement ses
motifs plus purs. Connaît-on un autre candidat ? Pas à présent. Reste donc
le choix entre Remigius et moi. A l’évidence Remigius dirigerait le monastère
comme il l’a fait pendant la maladie du prieur James, c’est-à-dire dans la
paresse et la négligence. Ce n’est pas lui qui arrêtera le déclin. Et
moi ? Je suis plein d’orgueil, sans doute, mais je veux essayer de
réformer le monastère et, si Dieu m’en donne la force, je réussirai. Très bien,
dit-il à Dieu alors que le service touchait à sa fin, très bien. Je vais accepter
la nomination et je vais lutter de toutes mes forces pour remporter
l’élection ; et si, pour quelque raison que Vous préférez ne pas me
révéler, Vous ne voulez pas de moi, eh bien alors, Vous n’aurez qu’à m’arrêter
comme Vous pourrez.
    Bien que
Philip eût passé vingt-deux ans dans des monastères, il n’avait jamais connu
d’élection. Il s’agissait d’un événement unique dans la vie monastique, le seul
cas où les frères dérogeaient à la règle de l’obéissance : le vote les
rendait tous égaux.
    À en
croire la légende, à l’origine les moines étaient égaux en tout. Un groupe
d’hommes décidant de tourner le dos au monde des passions charnelles et de
bâtir un sanctuaire dans le désert, pour y mener une vie de piété et de
renoncement, choisit un coin de terre nue, défricher la forêt, assécher les
marécages, labourer le sol et bâtir leur église ensemble. En ce temps-là, ils
étaient vraiment comme des frères. Le prieur, ainsi que l’indiquait son titre,
n’étant que le premier parmi des égaux, ils juraient obéissance à la seule
règle de saint Benoit, et non à quelque dignitaire ecclésiastique. Ce qui
demeurait aujourd’hui de cette démocratie primitive, c’était l’élection du
prieur et de l’abbé.
    Un tel
pouvoir, soudain, embarrassait certains moines, qui auraient voulu qu’on

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