Les Poisons de la couronne
s’était tenu silencieux auprès du siège royal, se leva.
— Messeigneurs, si l’on a voulu
attenter à la vie du roi, il est à redouter qu’on ne veuille aussi atteindre
celle de l’enfant à naître. Je demande une garde de six écuyers en armes, et à
mes ordres, de jour et de nuit, pour veiller à la porte de la reine, et
l’interdire à toute main criminelle.
On lui répondit d’agir comme il
l’entendait. Peu après le Conseil s’ajourna au lendemain, sans avoir rien
décidé de précis. Valois espérait, dans les prochaines heures, avancer ses
affaires.
Sur la porte, Mahaut rejoignit Louis
d’Évreux et lui dit à voix basse.
— Allez-vous envoyer un
chevaucheur à Philippe, pour l’instruire de ce qui vient de se passer ?
— Certes, ma cousine, je vais
le faire, et je veux avertir également notre tante Agnès.
— Alors, je vous laisse agir,
puisque nous sommes d’accord en tout.
Bouville, en sortant de la séance,
fut abordé par Spinello Tolomei qui l’attendait dans la cour du Palais et
venait lui demander protection pour son neveu.
— Ah ! Ce cher garçon, ce
bon Guccio ! répondit Bouville. Voilà le genre d’homme qu’il me faut pour
m’aider à veiller sur la reine. Prompt d’esprit, vif de membres. Madame
Clémence goûtait bien sa compagnie. C’est pitié qu’il ne soit pas écuyer, ni
même bachelier. Mais après tout, il est des occasions où vertu vaut mieux que
haute naissance.
— C’est tout juste ce que pense
la demoiselle qui l’a voulu en mariage, dit Tolomei.
— Ah ! Il s’est donc
marié !
Le banquier tenta d’expliquer
brièvement les ennuis de Guccio. Mais Bouville écoutait mal. Il était pressé,
il devait retourner sur-le-champ à Vincennes, et tenait à son idée de placer
Guccio dans la garde de la reine. Tolomei souhaitait pour son neveu une charge
moins voyante et plus éloignée. Si l’on avait pu le mettre à couvert auprès de
quelque haute autorité ecclésiastique, un cardinal par exemple.
— Eh bien, alors, mon ami,
envoyons-le à Monseigneur Duèze ! Dites à Guccio qu’il me vienne trouver à
Vincennes, d’où je ne puis plus bouger désormais. Il me contera bien son
affaire… Tenez, j’y songe même ! Il pourrait me rendre grand service en
allant de ce côté-là. Je cherchais à qui confier une mission qui demande du
secret… Oui, faites donc qu’il se hâte ; je l’attends.
Quelques heures plus tard, trois
chevaucheurs, par trois itinéraires différents, galopaient vers Lyon.
Le premier chevaucheur, passant par
« le grand chemin », c’est-à-dire par Essonne, Montargis et Nevers,
portait sur sa cotte les armes de France. Ce chevaucheur était chargé d’une
lettre par laquelle Charles de Valois annonçait à Philippe de Poitiers la mort
de son frère, l’informait d’autre part de la nécessité devant laquelle il se
trouvait, lui, Valois, pressé par les circonstances et désigné par les vœux du
Conseil, d’exercer immédiatement la régence.
Le second chevaucheur, sous les
marques du comte d’Évreux, et prenant « le chemin plaisant » par
Provins et Troyes, avait ordre de s’arrêter d’abord à Dijon, chez le duc de
Bourgogne, avant de poursuivre vers le comte de Poitiers ; les messages
qu’il allait délivrer n’avaient pas tout à fait la même teneur que celui de Charles
de Valois.
Enfin, sur « le chemin
court », par Orléans, Bourges et Roanne, courait Guccio Baglioni,
chevaucheur d’occasion, dissimulé sous la livrée du comte de Bouville.
Officiellement, Guccio était dépêché au cardinal Duèze ; mais sa mission
le conduisait aussi auprès du comte de Poitiers auquel il devait faire savoir,
oralement, qu’il y avait présomption de poison sur la mort du roi et que la
protection de la reine réclamait grande vigilance.
Les destins de la France étaient sur
ces trois routes.
FIN
RÉPERTOIRE
BIOGRAPHIQUE
Les souverains apparaissent dans ce
répertoire au nom sous lequel ils ont régné ; les autres personnages à
leur nom de famille ou de fief principal. Nous n’avons pas fait mention de
certains personnages épisodiques, lorsque les documents historiques ne
conservent de leur existence d’autre trace que l’action précise pour laquelle
ils figurent dans notre récit.
Alençon (Charles de Valois, comte d’) (1294-1346). Second fils de Charles de Valois et
de Marguerite d’Anjou-Sicile. Tué à Crécy.
Andronic II Paléologue
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