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Les Poisons de la couronne

Les Poisons de la couronne

Titel: Les Poisons de la couronne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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d’expédier Louis, et aurais-je dû
attendre le retour de mon gendre. Je devrais parler pour lui ; mais ne
vais-je pas attirer les soupçons ? »
    Évreux intervint, s’adressant de
nouveau à Valois.
    — Charles, si notre frère était
venu à mourir pendant que notre neveu Louis était encore en enfance, qui aurait
été régent de droit ?
    — Forcément moi, répondit
Valois en souriant comme si l’on apportait de l’eau à son moulin.
    — Parce que vous étiez le
premier frère. N’est-ce pas, alors, en droit, à notre neveu Philippe de
Poitiers d’occuper la régence ?
    Mahaut reprit espoir. Et Charles de
la Marche ayant cru habile de dire que son frère Philippe ne pouvait être
partout à la fois, au conclave et à Paris, elle se lança dans le débat.
    — Lyon n’est pas au pays du
Grand Khan ! On en revient en peu de jours… Nous ne sommes point assez
nombreux pour décider dans l’instant d’une chose si grave. Des pairs du
royaume, je ne vois ici que deux sur douze… Aucun duc-évêque, aucun
comte-évêque ; le connétable n’est pas là, ni le duc de Bourgogne…
    À ce nom, Robert d’Artois, Philippe
de Valois et Louis de Clermont sursautèrent. Le duc Eudes de Bourgogne, le
nouveau duc et sa mère Agnès de France, voilà bien ceux qu’on redoutait, dont
il fallait se hâter de devancer les menées [17] . L’enfant de
Clémence était encore à naître, en admettant qu’il naquît jamais, et l’on
verrait seulement alors s’il était mâle ou femelle Eudes de Bourgogne était donc
fondé à réclamer la régence, et contre Poitiers aussi bien que contre Valois,
au nom de sa nièce, la petite Jeanne de Navarre, fille de Marguerite. Or, on
savait bien que Jeanne était bâtarde !
    — Mais vous n’en savez rien,
Robert ! s’écria Louis d’Évreux, les présomptions ne sont pas certitude,
et Marguerite a emporté son secret dans la tombe où vous l’avez mise.
    D’Évreux avait lancé ce
« vous » dans une acception vague et générale, mais le géant, qui
avait toutes raisons de se sentir personnellement visé, pria d’Évreux
d’éclaircir son dire, ou bien de se rétracter.
    — Oubliez-vous, Louis, que vous
avez épousé ma propre sœur, et dois-je attendre de mon plus proche parent qu’il
se fasse la trompette de mes calomniateurs ? Vous ne parleriez pas
autrement si vous étiez payé par les Bourgogne.
    L’incident tournait au plus mal, et
l’on put craindre un instant que les deux beaux-frères ne se demandassent gage
de bataille.
    Une fois de plus le scandale de la
tour de Nesle et ses séquelles divisaient la famille de France, et même à
présent, menaçaient de diviser le royaume.
    L’archevêque Marigny fit entendre
alors la voix de l’Église et, prêchant la conciliation, invita les adversaires
au respect de ce qu’il appela « la trêve de deuil ». À son sens,
il ne fallait pas attribuer d’intention infamante aux paroles de Monseigneur
d’Évreux, et le mot « tombe » dans sa bouche désignait certainement
la forteresse de Château-Gaillard où Marguerite de Bourgogne avait été recluse,
« comme dans une tombe », et où elle était morte.
    Louis d’Évreux n’approuva ni
n’infirma. Quant à Robert, il grommela :
    — Après tout, Château-Gaillard
est encore moins distant d’Évreux qu’il ne l’est de mon château de Conches.
    La porte s’ouvrit alors sur Mathieu
de Trye qui annonça qu’il avait à faire une grave communication. On le pria de
parler.
    — Tandis qu’on embaumait le
corps du roi, dit le chambellan, un chien, qui s’était introduit sans qu’on y
prêtât garde, a léché des linges qui avaient servi à ôter les entrailles.
    — Et alors ? demanda
Valois Est-ce là votre grande nouvelle ?
    — C’est que, Messeigneurs, ce
chien est aussitôt tombé en douleurs, s’est mis à geindre et à se tordre, et
que le voilà pris du même mal que le roi, peut-être même est-il déjà mort
maintenant.
    De nouveau, on n’entendit rien d’autre
que le son du glas répercuté depuis Notre-Dame. La comtesse Mahaut n’avait pas
bronché, mais une atroce anxiété lui descendait au cœur. « Vais-je être
découverte par la gloutonnerie d’un chien ! » se disait-elle.
    — Vous pensez donc, Mathieu,
qu’il y a eu poison… prononça enfin Louis d’Évreux.
    — Il va falloir faire enquête,
et diligemment menée, dit Charles de Valois.
    Bouville, qui pendant toute la
discussion

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