Les quatre livres des stratagèmes
par les mêmes constructions, et très souvent par des
termes identiques, ce qui en rend la lecture fastidieuse. Un autre
reproche qu’on peut lui faire, c’est qu’il affecte une brièveté qui
va parfois jusqu’à la sécheresse. Mais, nous le répétons, il n’a
point visé à la phrase ; et on lui doit cette justice, que la
concision l’a rarement empêche d’être clair. Une fois qu’il s’est
emparé d’un fait, il veut que deux mots suffisent pour que ses
lecteurs en saisissent comme lui toute la portée, et qu’ils en
fassent leur profit. Enfin, on trouve dans ce livre de nombreuses
erreurs à l’endroit de l’histoire et de la géographie. Mais la
plupart de ces fautes sont si grossières, qu’on ne peut
raisonnablement les attribuer qu’à l’ignorance des copistes, gens
qui n’ont épargné à notre auteur ni omissions, ni transpositions,
ni interpolations. C’est ce que n’a pas observé Schoell [7] , quand il a prétendu que l’ouvrage qui
nous occupe était « une compilation faite avec assez de
négligence, surtout dans la partie historique.»
À ce jugement d’un érudit, nous opposerons
avec confiance celui d’un savant [8] :
« Un contemporain des deux Pline, Jules Frontin composa quatre
livres de stratagèmes militaires : c’est un tissu d’exemples
fournis par les grands capitaines grecs, gaulois, carthaginois,
romains et qui correspondent aux différentes branches de
l’administration et de la direction des armées. L’art de cacher ses
entreprises et de découvrir celles de l’ennemi, de choisir et de
disputer les postes, de dresser des embûches et d’y échapper,
d’apaiser les séditions et d’enflammer le courage, de se ménager
les avantages du temps et du lieu, de ranger les troupes en
bataille et de déconcerter les dispositions prises par son
adversaire, de dissimuler ses propres revers et de les
réparer ; l’habileté nécessaire dans les retraites, dans les
assauts, dans les sièges, dans le passage des fleuves, dans les
approvisionnements ; la conduite à tenir à l’égard des
transfuges et des traîtres ; enfin le maintien de la
discipline, et la pratique des plus rigoureuses vertus, justice,
modération et constance, au sein des camps, des combats, des
désastres et des triomphes : tel est le plan de ce recueil. On
a douté aussi de son authenticité ; mais Poleni a exposé les
raisons de croire que Jules Frontin l’a réellement rédigé sous le
règne de Domitien. Dans tous les cas, il serait fort préférable à
celui de Valère Maxime, et par la méthode, quoiqu’elle ne soit pas
toujours parfaite, et par la précision des idées, et surtout par le
choix des faits. C’est l’ouvrage d’un bien meilleur esprit :
en général, Frontin puise aux sources historiques les plus
recommandables ; et lorsqu’il ajoute quelques notions à celles
que renferment les grands corps d’annales, elles sont claires,
instructives, propres à compléter ou à enrichir l’histoire
militaire de l’antiquité. »
Le recueil des
Stratagèmes
, malgré
quelques récits invraisemblables et même absurdes qu’il renferme,
et dont la plupart tiennent aux superstitions des anciens, restera
comme une œuvre utile. Nous pourrions dire tout le parti qu’en ont
tiré les écrivains militaires des temps modernes, Machiavel.
Feuquières, Folard, Gessac, Santa-Cruz, Jomini, etc. Le colonel
Carion-Nisas, qui a fait une consciencieuse étude de l’art
stratégique chez les anciens, dit [9] que Frontin
est, comme écrivain, généralement homme de grand sens, quelquefois
homme de génie ; et, ainsi que Daunou, il le place bien
au-dessus de Polyen, qui ne soumet à aucun ordre méthodique les
huit cent trente-trois faits qu’il rapporte, et n’offre à ses
lecteurs aucun enseignement, pas une seule induction.
Pour donner une idée juste du traité des
Aqueducs
dans son ensemble, et du but que se proposait
l’auteur, nous ne pouvons mieux faire que d’emprunter quelques
lignes à un mémoire publié par M. Naudet sur la Police chez
les Romains. Après avoir dit dans quelle circonstance le premier
aqueduc fut établi à Rome, le savant académicien ajoute [10] : « Cette création fut un
trait de lumière pour les Romains, qui eurent toujours, depuis, un
soin particulier de l’aménagement des eaux. J. Frontinus nous
épargnera toute recherche à ce sujet. Nerva [11] l’avait nommé intendant général des eaux de la ville ; le
nouveau magistrat
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