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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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maintinrent fermement pendant qu’un troisième
homme lui assenait un coup d’alfange sur le poignet. Immédiatement, Brahim, les
yeux écarquillés d’horreur sur sa main tranchée, fut traîné jusqu’aux braises
où les monfíes introduisirent son moignon pour cautériser sa blessure. Les cris
de Brahim, les plaintes d’Aisha et les pleurs du bébé se confondirent au moment
où les bandits réussissaient à arracher l’enfant aux bras de sa mère.
    Aisha bondit derrière eux et se jeta aux pieds d’Ubaid.
    — Je suis la mère du nazaréen ! hurla-t-elle à
genoux, agrippant des deux mains la tunique du monfí. Si vous lui coupez la
main, le petit va mourir. Qu’est-ce qui fera le plus de mal à Hernando ?
Tue-moi ! Je te donne ma vie en échange de la sienne, mais laisse mon
bébé. Quelle est sa faute ? sanglota-t-elle. Quelle est sa faute ?
répéta-t-elle, en proie à des sanglots incontrôlables.
    Comme Ubaid ne fit aucun geste pour repousser Aisha, les
hommes qui emportaient l’enfant s’arrêtèrent. Le muletier de Narila hésita.
    — D’accord, céda-t-il. Épargnez l’enfant et tuez-la.
Toi, ajouta-t-il en s’adressant à Brahim qui se tordait sur le sol, tu porteras
sa tête au nazaréen. Tu lui diras aussi que j’accomplirai ici, à Cordoue, ce
que j’aurais dû faire dans les Alpujarras.
    Aisha lâcha la tunique d’Ubaid qui s’écarta et la laissa
seule, à genoux. Il fit signe à l’un des hommes, un esclave marqué, de
l’exécuter. Le bandit s’avança vers elle, son épée dégainée.
    — Il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu et Mahomet est
l’envoyé de Dieu, récita Aisha, les yeux fermés, résignée à mourir.
    En entendant la profession de foi, l’esclave arrêta son
geste et baissa la tête. Ubaid porta les doigts de sa main gauche à son visage.
El Sobahet contemplait la scène. L’épée du monfí resta suspendue en l’air
pendant quelques instants. Shamir se tut. Puis l’homme, en quête de soutien,
regarda ses compagnons. Ils n’étaient pas des assassins ! Parmi eux il y
avait un orfèvre de Grenade, trois teinturiers, un commerçant… Ils avaient été
contraints de devenir monfíes pour échapper à un esclavage injuste, à un traitement
ignoble. Lutter et tuer des chrétiens ? Oui. Les chrétiens leur avaient
volé leur liberté et leurs croyances ! C’étaient eux qui avaient réduit en
esclavage leurs épouses et leurs enfants ! Mais assassiner une femme
musulmane…
    Avant que l’épée du bandit retombe, El Sobahet et Ubaid
échangèrent un regard. Il ne pouvait pas demander cela aux hommes, semblait
dire le chef monfí à son lieutenant, et il ne devait pas le faire lui-même.
C’était une femme musulmane. Alors Ubaid intervint :
    — Prends ton enfant et ton mari et va-t’en ! Tu es
libre. Moi, Ubaid, je t’accorde la vie, que je prendrai à ton autre fils.
    Aisha ouvrit les yeux sans regarder personne. Elle se releva
rapidement, tremblante, et se dirigea vers l’homme qui portait Shamir, lequel
le lui rendit en silence. Puis elle marcha jusqu’à l’endroit où se tenait
Brahim, prostré près des braises. Elle l’observa avec mépris et lui cracha
dessus.
    — Chien ! parvint-elle à dire.
    Elle quitta la clairière, défaite, en larmes, sans savoir où
aller.
    — Montre-lui le chemin de las Ventas, ordonna El
Sobahet à l’un de ses hommes, lorsque la silhouette d’Aisha se perdit dans
l’épaisseur de la forêt, vers la mauvaise direction.

 
33.
    Hernando remit à Rodrigo un fougueux individu de trois ans,
déjà bridé, nerveux, à la curieuse robe pie avec de grandes taches marron sur
fond blanc. Une fois qu’ils étaient montés et obtempéraient au manège des
écuries royales, les poulains devaient s’habituer aux champs, aux taureaux et
aux animaux, franchir des rivières et sauter par-dessus des ravins, galoper sur
les chemins et s’arrêter au seul contact du mors, mais ils étaient aussi tenus
de connaître la ville : stopper juste en face de l’atelier d’un forgeron
et rester impassibles devant les coups donnés contre le fer sur la forge ;
se déplacer parmi la foule sans être effrayés par les enfants qui couraient
partout, les couleurs, les drapeaux ou tous les animaux qui erraient en liberté
dans Cordoue – chiens, poules et bien sûr les nombreux cochons noirs et
poilus, à la queue sombre, aux oreilles et au groin pointus avec, pour
certains, d’imposantes canines – ; supporter

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