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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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Maures espagnols – qu’on pouvait souvent confondre
avec les chrétiens – révélaient ses origines africaines ; il était
légèrement plus grand que lui, avec la poitrine et les bras musclés d’un maréchal-ferrant
habitué à donner des coups de marteau sur l’enclume et à ferrer les chevaux.
Ses cheveux étaient épais et noirs comme le jais ; il avait les yeux
sombres et les traits francs, seulement brisés par un nez sensiblement bulbeux,
comme s’il avait été cassé.
    — Que va-t-on acheter ? interrogea Hernando.
    — Rien. Et si à notre retour on te pose des questions,
dis qu’on n’a pas trouvé le matériel que je voulais.
    Ils étaient déjà au coin de la calle de la Venta del Sol,
qui contournait la mezquita jusqu’à la porte du Pardon.
    — Alors, on pourrait… ? indiqua-t-il en désignant
la rue qui partait à sa droite.
    — La prison ? comprit Abbas.
    — Oui. J’aimerais voir ma mère. Je connais le
gouverneur, ajouta-t-il pour rassurer le maréchal-ferrant qui paraissait hésiter.
Il n’y aura aucun problème. Il faut que je lui parle.
    Abbas accepta et ils prirent la calle del Sol.
    — Et moi, il faut que je te parle, annonça le
maréchal-ferrant à Hernando tandis qu’ils montaient jusqu’à la porte du Pardon,
longeant sur leur gauche les vestiges de leur culture, ces magnifiques portes
et arabesques travaillées dans la pierre de la mezquita. Je comprends que tu
veuilles rendre visite à ta mère, mais je te supplie de faire vite.
    — De quoi veux-tu parler ?
    — Après, s’opposa Abbas.
    Hernando s’enfonça dans la foule qui entrait dans la prison
et finit par tomber sur un geôlier. Abbas préféra l’attendre dehors.
    Autour d’un patio intérieur entouré d’arcades s’élevaient
deux étages où se trouvaient les cachots et les dépendances du gouverneur,
ainsi que d’autres services et même une petite auberge. Il salua le geôlier et
demanda à parler à l’obèse et malpropre gouverneur, qui apparut bien vite dans
le patio dès qu’il apprit la présence du Maure.
    Une odeur d’excréments accompagna son arrivée. Hernando fit
mine de s’écarter quand l’homme lui tendit la main droite. Il était couvert de
merde et trempé d’urine.
    — Encore un réfugié dans les latrines ?
questionna-t-il en guise de salutation, après avoir soupiré et accepté la main
que lui tendait le chef de la prison.
    — Oui, confirma le gouverneur. Il est condamné aux
galères et c’est la troisième fois qu’il se roule dans la merde pour éviter
qu’on l’emmène.
    Hernando sourit, malgré la chaude humidité qu’il sentait
dans la main qui pressait la sienne. Il s’agissait d’un stratagème des
prisonniers qui devaient être sortis de la prison pour subir leur
condamnation : se cacher dans les latrines afin de se rouler dans l’urine
et les excréments des autres. Aucun alguazil ne voulait s’approcher d’eux pour
les arrêter. Mais, sans doute, au bout de la troisième fois, la présence du
gouverneur en personne avait été nécessaire pour conduire le condamné jusqu’aux
galères.
    — On m’avait dit que tu ne reviendrais plus par ici,
ajouta le chef de la prison, mettant fin à l’humide poignée de main.
    — C’est pour une affaire personnelle.
    Hernando perçut dans l’éclat des yeux de son interlocuteur
l’intérêt qu’avait suscité sa déclaration.
    — La Confrérie a ordonné l’arrestation d’une femme et
de son fils.
    Le gouverneur parut réfléchir.
    — Elle s’appelle Aisha. María Ruiz.
    — Je ne sais pas…, commença à dire le gros homme en
frottant avec insolence son pouce contre son index, afin de réclamer son dû
habituel.
    — Gouverneur, protesta Hernando. Cette femme, c’est ma
mère.
    — Ta mère ? Et que faisait-elle sur le chemin de
las Ventas ?
    — Je vois que vous vous souvenez d’elle. C’est
exactement ce que je voudrais savoir : que faisait-elle là-bas ? Et
ne vous inquiétez pas, je serai loyal envers vous.
    — Attends ici.
    L’homme s’éloigna vers l’un des cachots qui donnaient sur le
patio, derrière les arcades qui l’entouraient. Pendant ce temps Hernando vit
deux alguazils furieux, couverts d’excréments et d’urine, emmener le prisonnier
condamné aux galères. Le détenu, crasseux, souriait entre les deux alguazils en
colère, tandis que des cris d’adieu surgissaient des cachots et que les gens
s’écartaient avec dégoût à son passage.

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