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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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demande à l’évêque,
avait-elle objecté. Ce nouveau mariage ne serait pas valable aux yeux des
chrétiens. Brahim est un fugitif officiel ; c’est ce que j’ai déclaré lorsqu’on
m’a arrêtée, sans penser aux conséquences que cela aurait pour moi. L’évêque ne
m’autorisera jamais à me remarier… et je ne me soumettrai jamais à son
jugement. Je n’ai pas besoin d’un homme.
    Décidée à ce que Shamir ignore la vérité sur son père, Aisha
avait ébauché une histoire qu’elle tenait prête pour le moment où il serait en
âge de lui poser des questions : un récit où il était le fils d’un héros,
mort dans les Alpujarras pendant la révolte des Maures ; un récit où elle
restait fidèle à la mémoire de son époux. Et, à partir de ce moment-là, Aisha
avait consacré tous ses efforts à tenter de reformer sa famille, de récupérer
les fils que les chrétiens lui avaient volés quand elle était arrivée à
Cordoue. Elle en avait parlé à Hernando.
    — Tu es désormais le chef de famille, lui avait-elle
dit. Tu touches un bon salaire et, contrairement à la plupart des Maures, nous
avons deux pièces à notre disposition. Maintenant tu travailles à la
cathédrale – à la différence de Fatima, Aisha ne savait pas toute la
vérité sur ce qu’il faisait à la bibliothèque –, raison pour laquelle
personne ne pourrait prétexter que tes frères ne seraient pas instruits dans la
foi chrétienne. Ce sont tes frères ! Mes fils ! Je veux les avoir à
mes côtés, comme toi et Shamir !
    Les fils de ce chien de Brahim ! avait alors songé
Hernando. Mais il n’avait rien dit. Les larmes qui coulaient sur les joues de
sa mère, et la vision de ses mains entrelacées, tremblantes, dans l’attente de
sa décision, avaient suffi pour qu’il lui promette de faire tout son possible
afin de les retrouver et les libérer. Musa devait avoir désormais neuf ou dix
ans, et Aquil quinze environ. Il avait alors raconté à Fatima qu’il allait
tenter de retrouver ses demi-frères ; il ne lui avait pas demandé son avis
ni donné la possibilité de discuter. Il avait parlé avec don Julián, lui avait
tout expliqué et avait obtenu une recommandation signée par don Salvador, qui
s’était révélé être le sous-chantre de la cathédrale, chargé de veiller sur les
livres du chœur attachés par des chaînes aux fauteuils de cérémonie ; sa
tâche consistait au besoin à les ranger et à en commander de nouveaux. Don
Salvador avait contrôlé ses connaissances de la langue arabe et, de temps à
autre, parfois de manière voilée, parfois plus franchement, il avait également
vérifié qu’Hernando, comme l’avait affirmé Abbas, était bien un bon chrétien.
Le sous-chantre de la cathédrale s’était trouvé satisfait des croyances et des
connaissances qu’Hernando lui avait exposées avec fermeté et humilité à la
fois, toujours à la recherche de ses conseils et de ses explications. Grâce aux
prêtres, il avait réussi à obtenir du conseil municipal le nom des familles à
qui ses frères avaient été confiés pour leur évangélisation, mais au moment où
tout était prêt pour que les deux garçons leur soient rendus, le potier et le
boulanger, les pieux chrétiens chargés de leur éducation, avaient annoncé que
les enfants s’étaient enfuis et, afin de le prouver, avaient brandi les deux
plaintes qu’à l’époque ils avaient déposées auprès du conseil municipal.
    En réalité, ainsi que le lui avait expliqué Hamid, ils les
avaient vendus, comme tant d’autres. Nombreux avaient été les enfants de tous
les royaumes d’Espagne qui, en dépit de leur âge inférieur à celui fixé par le
roi Philippe, avaient été réduits en esclavage. Hamid lui avait raconté que
certains, parvenus à un âge déterminé, intentaient une action en justice et
réclamaient leur liberté, mais le procès était long et cher : la plupart
d’entre eux n’essayaient pas, ou ignoraient qu’ils pouvaient le faire. Pour ce
qui concernait les fils d’Aisha, à défaut de savoir où ils avaient été emmenés
et à qui ils avaient été vendus, il n’y avait plus grand-chose à faire.
    Aisha, incapable de supporter la nouvelle, avait plongé dans
un désespoir qui, au fil du temps, avait dégénéré en un mode de vie apathique,
sans illusion aucune. À Cordoue on lui avait volé deux de ses fils, et à
Juviles on avait assassiné ses deux filles ! Même la présence de

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