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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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comme s’il avait voulu s’arracher la peau
afin de se défaire de la puanteur du cachot qui, malgré tout, restait imprégnée
sur son corps.
    — Il fait froid. Tu devrais te couvrir.
    — Laisse-moi, femme !
    Fatima obéit et posa la gamelle de nourriture et l’eau dans
un coin.
    — Dis à Hamid de venir, ajouta-t-il sans se tourner
vers elle.
    L’uléma accourut aussitôt.
    — La paix…
    Hamid interrompit son salut devant l’aspect d’Hernando, qui
n’avait pas changé de position.
    — Tu ne devrais pas te punir ainsi, murmura-t-il.
    — Le traître s’appelle Cristóbal Escandalet, énonça
Hernando en guise de réponse. Dis-le à Abbas. Il saura quoi faire.
    Il aurait voulu le tuer de ses propres mains, l’étrangler
lentement et contempler ses yeux à l’agonie, lui causer la même douleur que
subissait Karim mais, se trouvant à la disposition du tribunal, il avait décidé
qu’il valait mieux qu’Abbas s’occupe de ce chien. Et le plus tôt serait le
mieux.
    — Le châtiment pour celui qui trahit notre peuple est
sans appel. Abbas saura certainement quoi faire. Ce qui m’inquiète…
    Hamid laissa ses paroles flotter dans l’air ; il
attendait une réaction de la part d’Hernando, mais celui-ci fit mine de
reprendre ses prières.
    — Ce qui m’inquiète, insista alors l’uléma, c’est si
toi tu sais ce que tu dois faire.
    — Que veux-tu dire ? interrogea Hernando après
quelques instants d’hésitation.
    — Karim se sacrifie pour nous…
    — Il me protège, l’interrompit Hernando, qui lui
tournait toujours le dos.
    — Ne sois pas présomptueux, Ibn Hamid. Il nous protège
tous. Toi… tu n’es qu’un instrument de plus dans notre combat. Karim protège
aussi ton épouse et les mères à qui elle enseigne la parole révélée, et
celles-ci qui la transmettent à leurs enfants, et les petits qui l’apprennent
en secret à condition de ne pas l’utiliser hors de leurs foyers… Il nous
protège tous.
    Hamid perçut un léger tremblement dans le corps d’Hernando.
    — Ma vie est entre ses mains, dit-il à la fin, tournant
la tête vers l’uléma, qui craignit que son élève ne s’écroule.
    Il s’avança vers lui et se prosterna, difficilement, à ses
côtés.
    — Tu as peut-être raison… Sûrement ! Il nous
protège tous, mais tu ne peux pas imaginer la panique qui m’envahit quand je
vois ce corps si faible, flétri, brisé par la torture, soumis à la question.
Combien de temps un vieillard comme lui peut-il tenir ? J’ai peur, Hamid,
oui. Je tremble. Je ne peux pas contrôler mes genoux et mes mains. J’ai peur
que, dans la folie de la douleur, il ne finisse par me dénoncer.
    L’uléma ébaucha un triste sourire.
    — La force ne réside pas dans notre corps, Ibn Hamid.
La force est dans notre esprit. Aie confiance en Karim ! Il ne te
dénoncera pas. Le faire signifierait trahir son peuple.
    Tous deux échangèrent un regard.
    — Tu as déjà prié ? lui demanda l’uléma, à sa
surprise, rompant l’enchantement.
    Hernando crut entendre l’écho de ces mêmes paroles dans la
vieille cabane de Juviles. Il se pinça les lèvres dans l’attente des
suivantes :
    — La prière de la nuit est la seule que nous pouvons
pratiquer avec une certaine sécurité. Les chrétiens dorment.
    Hernando faillit répondre comme il le faisait toujours, une
boule dans la gorge à cause de la nostalgie, mais Hamid l’en empêcha.
    — Comme nous avons lutté depuis, n’est-ce pas mon
fils ?
    En réalité, Hamid n’avait pas transmis le message à Abbas.
Le maréchal-ferrant était jeune et fort. Karim mourrait, pendant la torture ou
brûlé comme hérétique. Jalil était aussi vieux que Karim, don Julián était âgé
également, et il devait toujours agir dans la clandestinité, sans la
possibilité de se mouvoir parmi les Maures. Quant à lui, Hamid… sa vie
s’achèverait bientôt, il le sentait. Abbas ne devait pas prendre de risques.
Mais comment pourrait-il, lui, tuer ce chien de traître ? se demanda-t-il
encore en le regardant vendre avec insouciance ses beignets à la croix du
Rastro.
    Pendant ces journées d’incessante torture, Karim eut les
bras disloqués sur le chevalet, mais il resta muré dans son silence comme
Hernando dans son jeûne et sa prière. Fatima et Aisha étaient inquiètes. Même
les enfants pressentaient que quelque chose de terrible se préparait.
    — Boit-il l’eau que tu lui laisses ? demanda Hamid
à

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