Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
Vom Netzwerk:
intentions.
    Hamid se laissa tomber dans le Guadalquivir et disparut dans
ses eaux.
     
    Hernando était incapable d’en supporter davantage. Il revenait
de l’alcázar des Rois Chrétiens, où les séances de torture à l’encontre de
Karim n’étaient que cruauté pure. Et inutile : le vieillard persistait à
ne pas dévoiler l’identité de ses complices. Même le bourreau avait osé se
tourner vers les inquisiteurs pour leur indiquer d’un geste de la main qu’il
était absurde d’insister.
    — Continue ! avait hurlé le licencié Portilla,
coupant court à ses doutes.
    Et Hernando était tenu d’assister à cette barbarie. Les
paroles d’Hamid l’avaient poussé à puiser sa force dans sa foi, dans l’esprit
qui les faisait lutter pour leurs lois et leurs coutumes, et c’est fort de ces
résolutions qu’il tâchait de se présenter devant le tribunal, mais une fois
dans les cachots, quand Karim était torturé et qu’on exigeait de lui le nom de
ses complices, la peur revenait l’assaillir. C’était son nom, celui que
l’ancien taisait si obstinément ! À seulement deux mètres de lui, Karim
était sauvagement torturé ; il sentait son sang et son urine ; il
contemplait les convulsions qui gagnaient ses muscles, contractés par l’intense
douleur ; il écoutait ses cris étouffés, pires que le plus terrible des
hurlements ; ses halètements et ses sanglots lors des pauses. Parfois il
s’enorgueillissait de la victoire de Karim sur les inquisiteurs. Il défendait
son peuple, sa loi ! Mais à d’autres moments il ressentait un atroce
sentiment de culpabilité… Et ses sueurs froides se mêlaient à la puanteur de la
geôle à la seule pensée que Karim pût céder et le désigner : lui, c’est
lui que vous cherchez ! Alors il se faisait petit sur sa chaise,
terrorisé, l’estomac retourné, imaginant les alguazils et les inquisiteurs se
jeter sur lui. Il pouvait être le suivant sur le chevalet. Et personne ne
saurait reprocher à un homme, quelle que fût sa condition, sous une telle
profusion de tortures, de craquer et de déclarer tout ce qu’on exigeait de lui.
Orgueil, culpabilité, panique… Hernando était traversé par une foule de
sentiments contraires qui le secouaient comme un pantin, tandis qu’alternaient
devant lui, sans trêve, les questions, les coups sur la grosse corde, les cris…
    Il venait de rentrer chez lui quand un jeune garçon envoyé
par Jalil lui raconta ce qu’Hamid venait de faire. Fatima et Aisha éclatèrent
en sanglots, blotties par terre, contre le mur, serrant leurs enfants dans
leurs bras.
    Il n’en supporterait pas davantage ! Tant de douleur…
    — Le vendeur de beignets qui est mort…, interrogea
Hernando, la voix brisée. Il s’appelait Cristóbal Escandalet ?
    — Oui, confirma le jeune garçon.
    Hernando hocha la tête. Hamid n’avait donc rien dit à
Abbas ?
    — Cet homme était un espion et un traître, affirma-t-il
alors en s’adressant de nouveau au jeune Maure. C’est lui qui a dénoncé Karim à
l’Inquisition. Que tous nos frères apprennent pourquoi notre meilleur uléma a commis
une telle action ! Il l’a jugé, a dicté sa sentence et l’a lui-même
exécutée. Que l’apprenne aussi la famille du vendeur de beignets !
    Il pleura seulement une fois dans sa chambre, désireux de
s’abandonner une fois encore à la prière et au jeûne. Qui utiliserait désormais
la petite pièce du rez-de-chaussée ? Et l’entaille en direction de la
qibla, qui se prosternerait devant à partir de maintenant ? Il l’a lui
avait montrée comme un enfant qui aurait accompli une bonne action, avec
orgueil et innocence, dans l’attente de son approbation. Hamid, qui lui avait
tout appris, qui lui avait donné son nom ! Hamid ibn Hamid, le fils de
Hamid !
    Une larme altéra sa vision et l’éloigna de la réalité. Alors
un cri terrible résonna au cœur de la nuit, dans tout le quartier de Santa
María :
    — Père !
     
    Les alguazils firent entrer Karim en le traînant par les
aisselles. Sa tête pendait et ses pieds, brisés par la torture, glissaient
derrière lui sur le sol, comme s’ils n’étaient plus reliés à ses chevilles.
    Devant le licencié Portilla, les alguazils tentèrent de le
redresser, et le bourreau tira sur les quelques cheveux blancs qui restaient
sur la tête du vieillard afin de relever son visage. L’inquisiteur fit claquer
sa langue et balaya l’air de sa main. Il abandonnait la

Weitere Kostenlose Bücher