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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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s’obligea à détourner le regard de ce groupe
d’hommes. Il aurait également voulu ne rien entendre. Il posa les yeux sur le
bureau, les dossiers du notaire. « Mateo Hernández, nouveau-chrétien
maure », disait la première page écrite avec la calligraphie appliquée du
notaire de l’Inquisition. S’ensuivaient la date, la description du lieu et des
faits sur lesquels était fondé le commencement du procès, la relation des
inquisiteurs présents et, à la dernière ligne de cette première page, la
précision suivante :
     
    À Cordoue, le
vingt-trois janvier de l’année mille cinq cent quatre-vingt de Notre-Seigneur,
devant le licencié Juan de la Portilla, inquisiteur du tribunal de Cordoue et
dans la salle du Saint-Office, a comparu afin de dénoncer l’hérésie le dénommé…
     
    La dernière ligne de la première page se terminait là.
Hernando leva la tête vers les inquisiteurs : ils continuaient à discuter
entre eux en attendant l’arrivée du prisonnier. Le 23 janvier ! Cela
faisait plus d’un mois. Qui était donc l’homme qui avait comparu devant
l’inquisiteur plus d’un mois auparavant et dont la dénonciation était à
l’origine de ce procès ? Cela pouvait seulement être… Soudain, le silence
se fit et Karim entra dans la salle de tortures, flanqué de deux alguazils. Au
moment précis où tous les inquisiteurs portaient leur attention vers le détenu,
Hernando tourna la page. Un simple coup d’œil lui suffit : Cristóbal
Escandalet. Les poings serrés, il résista à l’impulsion de vérifier que
personne n’avait remarqué son geste, et attendit que le notaire prenne place à
ses côtés.
    Cristóbal Escandalet, marmonna Hernando, comme s’il voulait
graver en lettres de feu ce nom dans sa mémoire. C’était le nom du
traître !
    Karim nia une nouvelle fois avoir des complices. Le ton
assuré de sa voix, qui força Hernando à le regarder, contrastait avec son
aspect fatigué et loqueteux. Le bourreau lui arracha sa chemise, découvrant son
torse glabre et flasque.
    — Engage l’interrogatoire, ordonna Juan de la Portilla,
debout comme les autres inquisiteurs, alors que le notaire commençait à
esquisser avec sa plume des traits sur le papier.
    Ils allongèrent le prisonnier à plat ventre,
l’immobilisèrent sur le chevalet, les bras dans le dos, et attachèrent ses
pouces avec une cordelette liée à une grosse corde, elle-même fixée à un treuil
suspendu au plafond. Karim refusa de nouveau de répondre aux questions de
l’inquisiteur et le bourreau se mit à tirer sur l’extrémité de la grosse corde.
    S’ils avaient espéré l’entendre hurler, ils s’étaient
trompés. Le vieillard appuya son visage sur le chevalet et laissa échapper de
sourds grognements qui bouleversèrent Hernando ; gémissements brisés
seulement par les questions insistantes de l’inquisiteur.
    — Comment se nomment ceux qui sont avec toi ?
répétait-il en criant, de plus en plus énervé par le silence de Karim.
    Le bourreau hocha négativement la tête. Les inquisiteurs
arrêtèrent la séance et détachèrent le vieillard du chevalet : ses pouces
étaient retournés sur le dos de ses mains, arrachés de leur base. Il avait le
visage congestionné, la respiration moribonde, les yeux exténués, aqueux, et
des filets de sang coulaient de sa lèvre inférieure ; le bourreau
l’agrippait pour le faire tenir debout. Le médecin s’avança vers Karim et
examina ses pouces, qu’il mania sans délicatesse, sans précaution, et Hernando
contempla sur le visage de son ami des signes de douleur qu’il avait cachés
jusque-là.
    — Il se porte bien, annonça le médecin.
    Puis, il se dirigea vers le licencié Portilla et lui parla à
l’oreille. Pendant ce temps, Hernando lut ce que le notaire consignait dans son
rapport : Le prisonnier se porte bien.
    —  La séance est suspendue jusqu’à demain,
déclara l’inquisiteur quand le médecin eut fini de lui parler.
     
    — Tu dois manger, lui susurra Fatima après avoir
pénétré dans la chambre où Hernando s’était enfermé pour prier depuis qu’il
était rentré à la maison.
    Il était plus de minuit.
    — Karim ne mange pas, répondit-il.
    Fatima s’approcha de son époux qui, à ce moment-là, était
assis sur ses talons, le torse nu. La peau de ses bras et de sa poitrine
apparaissait griffée, égratignée par endroits, conséquence de la vigueur avec
laquelle il s’était lavé et frotté,

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