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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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parler de lui. Il lui fait extrêmement confiance et, à
l’évidence, ses qualités…
    — Un Maure…, répéta pour lui-même le noble obèse sans
plus s’intéresser à d’autres explications.
    Les trois hommes observaient à présent Hernando qui se
dirigeait au galop vers la tête du troupeau. Quand il passa à ses côtés, le
comte d’Espiel se redressa sur les étriers d’argent de son luxueux équipement
et fronça les sourcils. Où avait-il déjà vu cette tête maure ?
    Le roi les avait pourvus d’ordres pour solliciter l’aide des
gens et des corregidors de tous les villages qu’ils traverseraient sur leur
route. Cependant, avant de clore chaque journée, les écuyers devaient trouver
le bon endroit pour réunir et alimenter tant de bétail, et obtenir des céréales
ou de la paille si les pâturages choisis ne suffisaient pas. Pendant ce temps,
les nobles recherchaient le confort du village le plus proche.
    Le soir, exténué, après s’être occupé d’Azirat, avoir soupé
du bouillon que le cuisinier préparait sur un feu de camp et bavardé un moment
avec les autres hommes, Hernando s’écroulait. Lors des tours de garde dans ces
pâturages ouverts et inconnus aussi bien du bétail que des hommes, alors
seulement il se souvenait des événements qui avaient marqué cette dernière
année.
    Ce fut au cours de ces moments silencieux, monté sur Azirat,
qu’Hernando réussit à se réconcilier avec lui-même. Sur le dos de son cheval,
tandis qu’il écoutait un animal s’ébrouer et rompre le silence, ou en
asticotait doucement un autre qui, tout ensommeillé, s’éloignait de la manade,
le Maure recouvra peu à peu sa tranquillité. Comme ces heures étaient
différentes de celles emplies du vacarme de plus d’un demi-millier de bêtes sur
les chemins ! Hennissements, ébrouements, ruades et coups de dents ;
l’immense poussière qu’elles soulevaient à leur passage et qui empêchait
Hernando de voir à plus de quelques pas. La nuit il pouvait contempler un
gigantesque ciel étoilé, net et brillant, différent de celui qu’il parvenait à
voir de sa maison à Cordoue, encastrée parmi tant d’autres bâtiments. Là, dans
les champs, seul, il finit par se sentir comme dans les Alpujarras.
Hamid ! Il s’était sacrifié pour eux. Dès que sa gorge se nouait au
souvenir du vieil uléma, Hernando tapotait le cou d’Azirat, à la recherche d’un
contact avec un être vivant. Il pensait aussi à Karim, mais cette fois il
laissait les scènes douloureuses qu’il avait vécues dans les geôles de
l’Inquisition ressurgir les unes après les autres à sa mémoire, sans se
réfugier dans la prière ou le jeûne pour les éloigner de lui. Il revit à
plusieurs reprises les souffrances du vieillard, les éprouvant dans sa chair,
comme si on les avait torturés Karim… et lui… à cet endroit et à cette heure
mêmes. Peu à peu, son visage congestionné et ses hurlements de douleur réprimés
dans sa lutte pour n’accorder aucune victoire ou satisfaction à ses bourreaux,
et son corps chaque fois plus disloqué se présentaient à ses yeux avec une
telle crudité qu’Hernando se recroquevillait sur sa monture. Et là, dans
l’immensité de l’Andalousie où, protégé par la nuit, il pouvait fuir n’importe
où pour s’éloigner de tous ces souvenirs, il commença à apprendre à vivre avec
sa douleur et à l’affronter.
    Il contempla le ciel, la lune qui jouait à dessiner les
silhouettes, il vit une étoile filante, puis une autre… et d’autres encore,
comme si les deux anciens l’observaient et lui parlaient du Paradis.
     
    Brahim aussi aperçut les étoiles filantes, et son
interprétation fut bien différente de celle d’Hernando. Sept ans avaient passé
depuis qu’il avait monté ses premières embarcations et quatre depuis qu’il
dirigeait personnellement les attaques sur la côte. Plusieurs fois il avait
failli être arrêté par les milices urbaines, et il avait décidé de céder sa
place sur les bateaux à Nasi, devenu fort et cruel comme son maître, se
contentant de gérer son argent et de mener son commerce d’une main de fer en en
tirant de juteux bénéfices.
    Au côté de Nasi, il s’était installé dans un petit palais de
la médina de Tétouan, où il avait vécu dans la luxure et entouré de femmes.
Afin de réaliser une alliance intéressante, il s’était remarié, cette fois avec
la fille d’un chef de la ville, qui lui avait donné deux

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