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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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Grenade, où vous serez reçus et honorés
dans la maison de Son Excellence.
    Hernando laissa échapper un sourire. Isabel vivait. Ici
même, sur cette place, il avait tiré sur la corde qui la maintenait
prisonnière, s’efforçant d’esquiver les marchands du souk et de rejeter les
offres qu’ils lui lançaient. Il aurait pu obtenir plus de trois cents ducats
pour elle ! lui avait crié un janissaire aux portes de la maison d’Abén
Humeya, se rappelait-il.
    — Que dois-je lui dire ? demanda le maire.
    — À qui ? répondit Hernando, perdu dans ses
souvenirs.
    — Au juge. Il attend une réponse à son invitation. Que
dois-je lui dire ?
    — Dites-lui oui. J’irai chez lui.
     
    Le duc avait raison : les juments nées dans les
Alpujarras n’étaient pas de bonne qualité. Il s’agissait de bêtes courtes sur
pattes, gauches, avec de petits cous rigides et de grandes têtes qui semblaient
peser à l’excès. Hernando sillonna des villages et différents endroits en
demandant à voir les chevaux, seul – décision que ni don Sancho ni les
domestiques n’avaient discutée –, monté sur Volador qui suscitait
l’admiration des petites gens. Ces derniers l’approchaient pour essayer de lui
vendre un animal. Personne ne reconnut en lui l’un des Maures qui s’étaient
soulevés quatorze ans plus tôt. Il était habillé à la castillane, avec un luxe
qui l’embarrassait ; ses yeux bleus et sa peau, plus pâle que celles de
beaucoup d’habitants des Alpujarras, empêchaient d’éveiller le moindre soupçon.
S’estimant un traître pour les siens, il mit à profit les leçons que lui avait
données don Sancho et tenta de parler sans utiliser la phonétique
caractéristique aux Maures. Tout cela lui procura une liberté de mouvements. Il
se rendit à Juviles. Plusieurs localités de la taa étaient abandonnées et, dans
le village où il avait vécu ses premières années, il ne restait pas plus de
quarante personnes.
    Empli de sentiments contradictoires à la vue des maisons du
village, de l’église et de la place, Hernando suivit le maire jusqu’au lieu où
celui-ci possédait quatre chevaux qui, peut-être, pourraient l’intéresser. En
traversant la place, il ferma les yeux et, aussitôt, il entendit le bruit des
arquebuses et les cris des femmes. Il sentit l’odeur de la poudre, du sang et
de la peur. Mille femmes étaient mortes sur cette place ! Il respira
profondément, tâchant de se ressaisir… Cette nuit-là, il avait vu Fatima pour
la première fois ; cette nuit-là, ses demi-sœurs étaient mortes. Cette
nuit-là, il était devenu un héros pour sa mère, qui aujourd’hui le rejetait…
    Dès que l’homme se dirigea vers la sortie du village et son
ancienne maison, Hernando comprit qu’il se servait de l’ancien enclos de ses
mules pour établer ses chevaux. Il marchait au côté du maire, tenant Volador à
la main et, à mesure qu’ils approchaient, le bruit de ses sabots s’évanouit
pour laisser place au souvenir du cliquetis de la Vieille lorsqu’elle rentrait
seule au village, annonçant l’arrivée imminente du troupeau. Il ne put
s’empêcher de songer à la peur bleue qu’il ressentait alors, à l’idée de
retrouver son beau-père, Brahim… Qu’était-il devenu ? Pût-il être
mort !
    Hernando examina les quatre chevaux du maire, feignant plus
d’intérêt qu’il n’en éprouvait, et il en profita pour regarder ici et là. Il
découvrit, dans un coin, l’enclume sur laquelle il réparait les fers, et
certains objets qui lui rappelèrent une partie de son enfance. La maison était
inhabitée ; elle servait d’entrepôt et, comme l’avoua le maire, d’endroit
pour l’élevage de vers à soie, qu’il exploitait lui-même avec sa femme.
    — Les chambres à l’étage étaient déjà toutes prêtes,
avec des rangées de claies collées aux murs destinées aux cocons,
expliqua-t-il. Cela m’a épargné beaucoup d’efforts. Je n’ai eu qu’à profiter du
travail des hérétiques ! rit-il.
    Mais quand Hernando refusa de lui acheter la seule jument
qu’il possédait, le maire commença à s’énerver.
    — Vous ne trouverez rien de mieux dans toute la Sierra,
lança-t-il.
    Et il cracha par terre.
    — Je suis désolé, répondit Hernando. Je ne crois pas
que cet animal corresponde à ce que recherche le duc pour ses écuries.
    À la seule mention du noble, l’homme s’agita avec
inquiétude, comme s’il avait insulté ce dernier

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