Les révoltés de Cordoue
jour ; l’hidalgo
s’était habillé comme pour une chasse à courre royale. Hernando savait que des
chevaux paissaient aux abords du col de la Ragua, et il prit la direction de
Válor afin de monter dans la Sierra par des sentiers ou à travers champs.
C’était à présent à lui d’apprendre des choses au cousin du duc.
— Je connais l’objet de ta mission, cria l’hidalgo
depuis l’autre rive d’un ruisseau que Volador avait sauté sans problème.
Don Sancho aiguillonna son cheval, qui sauta à son tour.
Hernando dut reconnaître que l’hidalgo se défendait sur sa monture avec une
aisance peu commune pour son âge.
— Je ne crois pas que ce parcours soit vraiment
nécessaire pour savoir pourquoi le roi n’obtient pas assez de rentes…
— Vous connaissez les terres, ce qu’on cultive et
où ? lui demanda Hernando.
Don Sancho hocha négativement la tête.
— Alors vous avez peur ?
L’hidalgo fronça les sourcils et fit claquer sa langue pour
faire avancer son cheval.
C’était une journée splendide de fin mai, ensoleillée et
fraîche. Ils continuèrent à monter, Hernando ouvrant le chemin. Ils franchirent
des ravins, descendirent des gorges et surmontèrent tout type d’obstacle. Les
deux cavaliers étaient concentrés sur leurs montures et le sol qu’ils
foulaient, rivalisant sans se parler, seulement à l’écoute du souffle des
animaux et des paroles d’encouragement avec lesquelles l’un et l’autre les
stimulaient. Soudain Hernando se retrouva face à un mur presque vertical
derrière lequel l’on devinait un sentier pour chèvres. Sans réfléchir, il se
dressa sur ses étriers et, d’une main, agrippa le crin du cheval, presque au chanfrein
de l’animal ; alors il l’éperonna avec force. Le cheval entreprit
l’ascension et Hernando, tirant le crin d’une main et tenant les rênes de
l’autre, colla son corps au cou de Volador, qui regardait pratiquement le ciel.
Le cheval monta par petits sauts successifs, sans s’arrêter
un instant, incapable de se déplacer normalement sur ce mur vertical. Les
cailloux du sentier dévalaient le précipice et ce fut seulement à la moitié du
chemin, lorsque Volador glissa et dérapa sur une courte distance vers le bas,
assis sur sa croupe et hennissant, qu’Hernando prit conscience du risque qu’il
courait : s’il perdait l’équilibre, si Volador penchait juste un tout
petit peu, ils tomberaient irrémédiablement dans le vide.
— Monte ! cria-t-il tout en plantant ses éperons
quasiment dans la croupe de l’animal. Allez !
Volador se releva sur ses pattes et bondit de nouveau vers
le haut. Hernando faillit être désarçonné.
— Tu vas te tuer ! cria don Sancho au bord du
précipice.
— Allahu Akbar ! hurla Hernando à l’oreille
de Volador, entre le bruit des pierres qui tombaient, les sabots du cheval qui
glissaient sur la terre et ses ébrouements.
Il gardait le corps allongé sur le cou de l’animal et la
tête pratiquement entre ses oreilles.
— Allah est grand ! répétait-il à chaque saut que
le cheval parvenait à effectuer.
À la fin, Volador dut presque escalader la gorge. Ses pattes
arrières ne pouvaient plus continuer à le pousser vers le haut. Hernando sauta
de sa monture et courut devant pour tirer sur les rênes et aider son cheval.
Bête et cavalier, en sueur, accédèrent en tremblant, hors d’haleine, à une
petite plaine couverte de fleurs.
À genoux, Hernando se pencha dans le vide. Il était à bout
de souffle, incapable de contrôler ses tremblements.
— À présent, c’est mon tour ! cria don Sancho en
voyant apparaître la tête du Maure au bord du ravin.
Il ne pouvait pas faire moins bien que lui !
— Santiago !
— Non ! s’écria Hernando.
L’hidalgo stoppa juste avant d’attaquer l’ascension.
Hernando réussit à se lever.
— C’est de la folie ! hurla-t-il d’en haut.
Don Sancho obligea son cheval à reculer pour parvenir à voir
le Maure.
— Je suis hidalgo…, commença à réciter don Sancho.
Il va se tuer, pensa Hernando. Et c’est moi qu’on accusera.
On dira que je l’ai incité.
— Par Dieu et la Très Sainte Vierge ! Un chevalier
espagnol est tout à fait capable de passer là où est passé un… !
— Vous, oui, l’interrompit Hernando avant qu’il ne
mentionne sa condition de Maure. Mais pas votre cheval !
L’hidalgo réfléchit un instant et observa le ravin. Son
cheval s’agitait, inquiet. Il
Weitere Kostenlose Bücher