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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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ressentiment. Et les pauvres ? ajouta-t-il en se
souvenant de la prédiction de Shamir.
    — Nous avons fait tout notre possible, défendit Miguel
de Luna avec calme. Tu ne crois pas ? Nous avons risqué nos vies, toi le
premier.
    Hernando se laissa retomber sur son siège. C’était vrai. Il
avait mis sa vie en péril avec ce projet.
    — Pour le moment, poursuivit le traducteur, Dieu ne
nous a pas accordé le succès. Dans Son infinie sagesse, Il saura pourquoi.
Peut-être un jour…
    — Si l’expulsion a lieu, renchérit alors don Pedro, ou
toute autre mesure drastique, nous devons vivre et demeurer en Espagne. Il faut
continuer à semer nos graines ici, toujours, dans ces terres qui sont à nous,
afin qu’elles continuent à croître, à se multiplier, et que l’islam un jour
revienne en Al-Andalus.
    Il réfléchit quelques instants. Toute une vie de sacrifices
et de souffrances défila devant ses yeux. Pourquoi tant de malheurs ? Il
avait cinquante-quatre ans et se sentit vieux, terriblement vieux. Cependant,
ses enfants…
    — Comment pourriez-vous m’éviter l’expulsion ?
demanda-t-il faiblement.
    — On n’expulse pas un hidalgo, répondit don Pedro.
    Hernando ne put s’empêcher d’éclater d’un rire cynique.
    — Hidalgo, moi ? Un Maure de Juviles ? Le
fils d’une condamnée de l’Inquisition ?
    — Nous avons beaucoup d’amis, Hernando, insista le
noble. Aujourd’hui on peut tout acheter, même la qualité d’hidalgo. On falsifie
les déclarations de villages entiers. Tu as d’excellents antécédents avec
l’Église de Grenade. Tu as collaboré avec elle. Tu as sauvé des chrétiens dans
la guerre des Alpujarras ! C’est de notoriété publique.
    — N’es-tu pas le fils d’un prêtre ? intervint
Castillo, sachant pertinemment que le sujet était délicat. La noblesse se
transmet par le père, jamais par la mère.
    Hernando soupira et secoua la tête. Il ne manquait plus que
ce chien de prêtre qui avait violé sa mère soit à présent le sauveur de sa
famille !
    — La pureté du sang est souvent fallacieuse, tenta de
le convaincre Luna. Tout le monde sait que le grand-père de Teresa de Jésus, la
fondatrice des carmélites déchaussées, était juif. Et ils veulent la
béatifier ! Il en existe des centaines comme elle, des milliers ! Des
chrétiens de toute condition prétendent à la qualité d’hidalgo pour ne pas
payer d’impôts, et beaucoup de Maures s’y mettent aussi pour éviter
l’expulsion ; tant que les formalités sont en cours, on ne les ennuiera
pas, et celles-ci peuvent prendre des années.
    — Et si finalement ça ne marche pas ? questionna
Hernando.
    — On aura gagné du temps, répondit Castillo.
    — Fais-nous confiance, insista don Pedro. Nous nous
chargerons de tout.
    Avant de quitter Grenade, Hernando octroya tout pouvoir à un
procureur pour plaider sa cause dans la Salle des hidalgos.
    Néanmoins, les événements se précipitèrent. Les Maures,
désespérés par les rumeurs d’expulsion, demandèrent l’aide du roi du Maroc,
Muley Zaidan. Une délégation de cinquante hommes se rendit aux Barbaresques
pour proposer au souverain d’envahir l’Espagne avec l’appui des Hollandais, qui
s’étaient déjà engagés à fournir suffisamment de bateaux pour tendre un pont
sur le détroit. L’offre était la même pour tous : Muley Zaidan devait
seulement s’emparer d’une ville côtière avec un port et apporter vingt mille
soldats ; de leur côté, les Maures d’Espagne lèveraient deux cent mille
partisans et feraient facilement plier des royaumes affaiblis.
    Le monarque marocain, bien qu’ennemi acharné de l’Espagne, éclata
de rire devant cette proposition et renvoya la délégation. Philippe III,
en revanche, ne rit pas. Le roi catholique était las des conjurations et
préoccupé à l’idée que certaines d’entre elles puissent finir par se
concrétiser et que ses terres, avec la complicité des Maures, soient en effet
envahies par une puissance étrangère. En avril 1609, il remit en personne un
rapport au Conseil, dans lequel il assignait ses membres à adopter des mesures
définitives à l’encontre de cette communauté, « sans reculer devant la
rigueur de les égorger », avait écrit le souverain.
    Cinq mois plus tard, dans la ville de Valence, l’arrêté
d’expulsion des Maures de ce royaume était publié. Les thèses intransigeantes
du patriarche Ribera et d’autres exaltés

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