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Les Seigneurs du Nord

Les Seigneurs du Nord

Titel: Les Seigneurs du Nord Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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Kjartan était
peut-être cruel, mais il était brave. Son fils Sven ne l’était point. C’est lui
qui commandait les hommes des remparts, et presque tous fuirent vers le Nord, le
laissant avec seulement deux compagnons. Guthred, Finan et Rollo montèrent s’en
occuper, mais Finan suffisait. Il détestait combattre dans le mur, se trouvant
trop léger pour y participer, mais à découvert il était redoutable. On le
surnommait Finan l’Agile, et c’est ébahi que je le vis bondir devant Guthred et
Rollo et affronter seul les trois hommes avec ses deux épées plus vives que la
vipère. Il éblouit les compagnons de Sven en feintant, esquiva sans peine leurs
attaques et les tua avec un grand sourire avant de se tourner vers Sven. Mais
Sven était un lâche. Il s’était réfugié dans un coin du rempart, écartant les
bras pour se rendre. Finan se baissa, toujours souriant, prêt à lui plonger son
épée dans le ventre.
    — Il est à moi ! cria Thyra en
agitant ses mains crochues et en sanglotant de haine. À moi !
    — Tu es à elle, dit Finan. Qu’il en soit
ainsi.
    Il feinta vers le ventre de Sven, et lorsque
celui-ci baissa son boulier, Finan le poussa et le fit tomber à la renverse du
rempart. Il poussa un hurlement dans sa chute, qui n’était guère haute que de
deux hommes, mais il tomba dans la boue comme un sac de grain. Il tenta de se
relever, mais Thyra se dressait au-dessus de lui. Elle poussa un long cri
plaintif et les chiens la rejoignirent, tous, même les éclopés.
    — Non ! cria Sven en la fixant de
son œil borgne. Non !
    — Si ! siffla-t-elle.
    Elle se baissa et lui arracha son épée, puis
elle glapit et les chiens se jetèrent sur lui. Il se débattit tandis que les
crocs se refermaient sur sa chair. Certains, dressés à tuer trop vite, se
jetèrent à sa gorge, mais Thyra les repoussa de l’épée. C’est ainsi que les
chiens dévorèrent Sven en commençant par son entrejambe. Ses cris percèrent la
pluie comme des lames. Son père les entendit, et Thyra les regarda en riant.
    Kjartan était encore en vie. Trente-quatre
hommes le défendaient. Ils se savaient voués à la mort et s’apprêtaient à l’affronter
en Danes, mais Ragnar s’avança vers eux, les ailes de son casque ruisselantes, et
pointa son épée sur Kjartan. Celui-ci hocha la tête et se détacha du mur de
boucliers. Les chiens dévoraient les tripes de son fils tandis que Thyra
dansait dans une mare de sang en chantant sa victoire.
    — J’ai tué ton père, ricana Kjartan, et
je te tuerai aussi. (Ragnar ne répondit rien. Les deux hommes se jaugèrent, à
six pas de distance.) Ta sœur était une bonne putain, continua-t-il, avant qu’elle
ne soit frappée de folie. (Il s’avança, bouclier levé, et Ragnar esquiva le
coup d’épée qui le visait à la cheville. Les deux hommes se toisèrent de
nouveau.) C’était une bonne putain aussi, même après qu’elle fut devenue folle.
Mais il fallait l’attacher afin de l’empêcher de se débattre. C’était plus
facile, vois-tu.
    Ragnar attaqua, bouclier levé, épée baissée, et
les deux boucliers s’entrechoquèrent tandis que Kjartan parait le coup.
    — Mais ce n’est plus une bonne putain, maintenant
poursuivit Kjartan. Elle est trop mal fagotée et fort crasseuse. Même un
mendiant ne la trousserait plus. Je le sais. Je l’ai proposée à l’un d’eux la
semaine passée et il a refusé. Il la trouvait trop sale pour lui.
    Soudain, il se jeta sur Ragnar. Il n’y avait
guère de finesse dans cette attaque, qui n’était que force et vivacité. Ragnar
recula, protégé par son bouclier. Je pris peur pour lui et fis un pas en avant,
mais Steapa me retint.
    — C’est son combat, dit-il.
    — J’ai tué ton père, répétait Kjartan, arrachant
du bout de son épée un éclat de bois du bouclier de Ragnar. J’ai brûlé ta mère,
se vanta-t-il en abattant sa lame sur la bosse. Et j’ai troussé ta sœur. (Le
coup suivant fit de nouveau reculer Ragnar.) Et je pisserai sur ton cadavre
étripé.
    Il poussa un cri et frappa de nouveau Ragnar
aux chevilles. Cette fois, le coup porta et Ragnar vacilla. Sa main blessée
avait instinctivement baissé le bouclier et Kjartan lui assena un coup du sien
pour le forcer à s’incliner. Ragnar, qui n’avait encore rien dit, poussa
soudain un hurlement. Je crus un instant que c’était celui d’un homme condamné,
mais c’était un cri de rage. Il se jeta sur le bouclier de Kjartan,

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