Les templiers
Introduction
D epuis près de deux siècles, les ouvrages consacrés aux Templiers abondent. Sans parler de ceux qui retracent l’histoire de l’Église, des Croisades et des principales institutions monastiques. Ils nous ont familiarisés avec cette époque dite obscure à laquelle s’attachèrent les romantiques. Cependant, ce livre n’est pas une gageure, ni le fruit d’une vaine témérité. Bien qu’il ait fait couler tant d’encre, l’Ordre du Temple reste inconnu. On peut même dire qu’il n’a jamais été aussi mystérieux que depuis sa disparition.
Dès le VI e siècle, les Musulmans prennent pied dans les territoires chrétiens et submergent l’Afrique et l’Espagne. Byzance se croit menacé. Dès le ix e siècle, après le Schisme d’Orient, naît avec les ordres militaires un autre type de vie religieuse.
Extraordinaire vocation que celle de ces ordres, où se mêlent la foi, le courage et l’héroïsme chrétien. Leur histoire, c’est d’abord l’affrontement de deux philosophies et de deux civilisations : celles des mondes chrétien et musulman. À l’origine de l’Ordre du Temple, de pauvres chevaliers qui vont bientôt développer leur observance et la couronner de gloire dans de magnifiques épopées. Et à leur suite, les Croisades et tous les peuples chrétiens déroulent leur histoire devant nos yeux.
Les Templiers réalisèrent l’idéal d’une double vocation, apparemment contradictoire, de moines et de soldats. Les ordres militaires répondirent ainsi à un besoin particulier, à une époque où l’Église s’efforçait d’humaniser la guerre et où la lutte des deux civilisations exigeait une élite.
Que n’a-t-on pas écrit sur les Templiers ? Pourtant, rien ne fut secret, bien au contraire. Les documents et les manuscrits existent : nous en avons colligé plus de 145 000. Aussi était-il nécessaire de remettre sérieusement en question le problème du Temple. De s’interroger sur son véritable aspect et sa véritable fonction, qui fut avant tout sociale et économique. Tout en examinant, parallèlement, son gouvernement synarchique, sa grandeur militaire, son influence internationale. Sans ignorer la partie exotérique que l’on retrouve dans les données architecturales ou dans les directives internes de l’Ordre.
Pourquoi avons-nous des actes des Chapitres généraux – récemment découverts d’ailleurs – , pourquoi avons-nous des lettres de Maîtres, si l’Ordre fut si ésotérique qu’on le prétend ? Il fallait revoir tout cela d’un regard neuf, en partant des documents.
Ce n’est pas une « réhabilitation » du Temple que nous entreprenons : il n’en a pas besoin. À travers les divers textes de la Règle, 1 705 bulles pontificales, 145 000 documents, dix-neuf manuscrits, trois bréviaires et un missel, l’Ordre du Temple a le droit, aujourd’hui, de s’expliquer. Et de se défendre des accusations portées contre lui : relations secrètes avec les Musulmans, pactes avec l’Infidèle contre les Croisés, trésors... Sur ces questions, les Chroniques des Croisades, qu’elles soient d’auteurs occidentaux, orientaux ou musulmans, apportent un témoignage essentiel.
Notre étude repose uniquement sur des documents du Temple. Si nous nous sommes servis des cartulaires édités, nous n’avons utilisé aucune source imprimée concernant le Procès, ne nous fiant qu’aux originaux de Paris, Florence, York, Salamanque, Medina del Campo, Lisbonne, Londres et Cologne.
CHAPITRE I Jérusalem et Troyes
L ’O RDRE du Temple reçut le coup de grâce en 1317, quand le pape Jean XXII confirma l’Ordre de Montesa dans le royaume d’Aragon. Dans la bulle de création, le souverain pontife reprenait la sentence provisionnelle de son prédécesseur, Clément V. Le Temple était définitivement aboli. Durant près de deux siècles, les Templiers avaient été les conseillers, les diplomates, les banquiers, les artisans sociaux et économiques des papes, des empereurs, des rois et des seigneurs. Durant ce même temps, avec des constitutions synarchiques {1} bien à eux et de puissants moyens financiers, ils avaient défendu les idéologies de l’Église.
La fondation de l’Ordre du Temple remonte aux premiers temps du royaume de Jérusalem. Le 27 novembre 1095, Urbain II, chassé d’Italie par l’antipape Guibert, convoqua devant le Concile réuni à Clermont, en Auvergne, la première assemblée
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