Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
Vom Netzwerk:
égaré les figures qui l’entouraient.
    – Allons, dignes enfants de l’Amérique, dit Lawton au Skinner, suivez-moi ; venez recevoir la récompense qui vous est due.
    La bande ne se fit pas prier, et elle suivit le capitaine vers l’endroit où était cantonnée sa compagnie.
    Dunwoodie garda le silence un instant, n’aimant pas à triompher d’un ennemi abattu. Enfin, se tournant vers le colporteur, il lui dit gravement :
    – Vous avez déjà été jugé, Harvey Birch, et il a été prouvé que vous êtes un ennemi trop dangereux pour la liberté de l’Amérique pour qu’on puisse vous laisser la vie.
    – Prouvé ! répéta le colporteur en tressaillant et en se redressant avec fierté, de manière à montrer que le poids de sa balle n’était rien pour lui.
    – Oui, prouvé. Vous avez été convaincu d’épier les mouvements de l’armée continentale, d’en donner avis à nos ennemis, et de lui fournir ainsi les moyens de déjouer les projets de Washington.
    – Croyez-vous que Washington en dirait autant ? demanda Birch en pâlissant.
    – Sans contredit : c’est Washington lui-même qui prononce votre sentence par ma bouche.
    – Non, non, non ! s’écria Harvey avec une vivacité qui fit tressaillir Dunwoodie. Washington a la vue plus perçante que tant de prétendus patriotes. N’a-t-il pas joué lui-même sa fortune sur un dé ? Si l’on prépare un gibet pour moi, n’en a-t-on pas préparé un pour lui ? – Non, non, non ! Washington ne prononcerait jamais pour moi ces paroles : « Qu’on le conduise au gibet ! »
    – Avez-vous quelque motif à faire valoir pour recourir à la clémence du général en chef ? lui demanda Dunwoodie, quand il fut remis de la surprise que lui avait causée l’énergie du colporteur.
    Harvey trembla de tous ses membres, tant était violente la lutte intérieure de ses réflexions, et tous ses traits se couvrirent de la pâleur de la mort. Il tira de son sein une petite boîte d’étain, l’ouvrit, et y prit un petit papier. Ses yeux s’y fixèrent un instant ; il allongeait déjà le bras vers Dunwoodie pour le lui présenter ; mais tout à coup il retira sa main, et s’écria :
    – Non ! ce secret mourra avec moi. Je sais quel est mon devoir, et je n’achèterai pas la vie en y manquant. Il mourra avec moi.
    – Donnez-moi ce papier ; et il est possible que vous obteniez votre grâce, dit le major s’attendant à quelque découverte importante.
    – Le secret mourra avec moi ! répéta Birch, dont la pâleur avait fait place à la plus vive rougeur.
    – Qu’on saisisse ce traître ! s’écria Dunwoodie, et qu’on lui arrache ce papier !
    Cet ordre fut exécuté à l’instant ; mais le mouvement du colporteur avait été encore plus prompt, et le papier fut avalé avant qu’on eût le temps de s’en emparer. Tous les officiers restèrent immobiles en voyant cet acte d’audace et de dextérité.
    – Tenez-le, s’écria le docteur, tenez-le bien : je vais lui administrer quelques grains d’émétique.
    – Non, dit Dunwoodie en lui faisant signe de reculer ; si son crime est grand, son châtiment sera exemplaire.
    – Qu’on me conduise donc, dit le colporteur en jetant sa balle par terre, et en faisant quelques pas vers la porte avec une dignité inconcevable.
    – Où ? demanda Dunwoodie avec surprise.
    – Au gibet.
    – Pas encore, dit le major, frémissant de ce que la justice exigeait de lui. Mon devoir m’oblige à ordonner votre exécution, mais non à y mettre tant de précipitation. Vous aurez jusqu’à demain matin à neuf heures pour vous préparer au changement terrible qui va s’opérer en vous.
    Dunwoodie donna ses ordres à voix basse à un officier subalterne, et fit signe au colporteur de se retirer. L’interruption que cet incident avait apportée aux plaisirs de cette réunion fit qu’on ne songea pas à prolonger la séance. Les officiers se retirèrent dans leurs quartiers respectifs, et bientôt on n’entendit plus d’autre bruit que celui du pas lourd du factionnaire qui montait la garde sur la terre gelée devant la porte de l’hôtel Flanagan.

CHAPITRE XVII
    Il y a des gens dont les traits variables expriment toutes les passions innocentes du cœur ; sur le front desquels l’Amour, l’Espérance et la Pitié au cœur tendre se réfléchissent comme sur la surface d’un miroir ; mais la froide expérience peut voiler ces teintes sous un coloris apprêté

Weitere Kostenlose Bücher