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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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tourner un morceau dans sa bouche pendant une minute ou deux en faisant de vains efforts pour le broyer, il s’écria avec un ton d’humeur :
    – Mistress Flanagan, quel nom portait pendant sa vie l’animal dont voici les tristes restes ?
    – Hélas ! capitaine, c’était ma pauvre vache ! répondit la vivandière avec une émotion causée partie par le mécontentement des plaintes de son favori, partie par le chagrin d’avoir perdu cet animal utile.
    – Quoi ! la vieille Jenny ! s’écria le capitaine d’une voix de tonnerre, s’arrêtant à l’instant où il s’apprêtait à avaler comme une pilule le morceau qu’il désespérait de pouvoir diviser.
    – Du diable ! s’écria un autre officier en laissant tomber son couteau et sa fourchette, celle qui a fait la campagne avec nous dans le Jersey.
    – Elle-même, répondit la maîtresse de l’hôtel avec un air lamentable. Hélas ! Messieurs, il est bien dur d’avoir à manger une si vieille amie !
    –  Très-dur , répéta Lawton. Et voilà où elle en est venue ! ajouta-t-il en dirigeant vers le plat la pointe de son couteau.
    – J’en ai vendu deux quartiers aux soldats de votre compagnie, capitaine, ajouta Betty ; mais du diable si je leur ai dit que c’était leur vieille amie ; j’aurais eu peur de leur ôter l’appétit.
    – Mille diables, s’écria le capitaine avec une colère affectée, que ferai-je de mes dragons si vous les habituez à une nourriture si friande ? Ils auront peur d’un Anglais comme un esclave nègre craint son inspecteur.
    – Eh bien ! dit le lieutenant Mason en laissant tomber son couteau et sa fourchette avec une sorte de désespoir, ma mâchoire a plus de sensibilité que le cœur de bien des gens. Elle se refuse absolument à broyer les restes d’une si ancienne connaissance.
    – Essayez une goutte du présent, dit Betty en emplissant une tasse du vin contenu dans la dame-jeanne et en la buvant, comme si elle eût été chargée de s’acquitter des fonctions de dégustateur. Sur ma foi, dit-elle ensuite, ce n’est pas grand’chose après tout ; ça n’a pas plus d’âme que de la petite bière.
    La glace étant rompue, on présenta un verre du même vin au major Dunwoodie, qui le but en saluant son compagnon au milieu d’un profond silence. On observa ensuite, tout le cérémonial d’usage pour porter des toasts politiques. Cependant le vin produisit son effet ordinaire, et avant que la seconde sentinelle en faction à la porte eût été relevée, personne ne songeait plus ni au dîner qui avait précédé ni aux soucis qu’il pouvait avoir. Le docteur Sitgreaves n’était pas revenu à temps pour goûter des mets préparés aux dépens de la pauvre Jenny, mais il n’était pas trop tard pour qu’il eût sa part du présent du capitaine Wharton.
    – Une chanson, capitaine Lawton ! une chanson, s’écrièrent en même temps deux ou trois officiers remarquant que leur camarade ne paraissait pas en humeur aussi joyeuse que de coutume ; silence ! le capitaine Lawton va chanter.
    – Messieurs, dit le capitaine animé par les rasades qu’il avait bues quoique sa tête fût ferme comme un roc, je ne suis nullement un rossignol ; mais puisque vous le désirez, je chanterai bien volontiers.
    – Jack ! s’écria Sitgreaves en se balançant sur sa chaise, chantez l’air que je vous ai appris, et… attendez, j’ai dans ma poche une copie des paroles.
    – Ne vous donnez pas la peine de la chercher, mon cher docteur, dit le capitaine en remplissant son verre avec beaucoup de sang-froid : je ne pourrais jamais faire un tour de conversion autour des noms barbares qui s’y trouvent. Messieurs, je vais vous donner un humble échantillon de mon savoir-faire.
    – Silence, Messieurs ! écoutez le capitaine Lawton ! s’écrièrent à la fois cinq ou six voix. Et le dragon d’une voix belle et sonore chanta les couplets suivants sur un air à boire bien connu, la plupart de ses camarades en répétant le refrain avec une ardeur qui faisait trembler l’édifice délabré :
    « Passez la bouteille, joyeux camarades, et vivons tandis que nous le pouvons. Le jour de demain peut amener la fin de vos plaisirs, car la vie de l’homme est courte, et celui qui combat l’ennemi avec bravoure peut voir s’accélérer la fin du bail de sa vie.
    « Vieille mère Flanagan, viens remplir nos verres ; car tu peux les remplir comme nous pouvons les vider, bonne Betty

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