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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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cruauté ? Vous ne m’avez jamais aimé, et vous cherchez à cacher votre propre légèreté en me faisant des reproches dont vous me refusez l’explication.
    Frances s’arrêta tout à coup, et il y avait dans ses yeux tant de candeur et de sensibilité, que le major repentant au fond du cœur était sur le point de se jeter à ses pieds et d’implorer son pardon ; mais prenant encore la parole elle-même, elle lui dit en lui faisant signe de garder le silence :
    – Écoutez-moi pour la dernière fois, major Dunwoodie. Quand on commence à découvrir sa propre infériorité on acquiert une connaissance bien cruelle ; mais c’est une vérité que je n’ai apprise que tout récemment. Je ne vous accuse pas, je ne vous reproche rien, non, pas même volontairement en pensée. Quand j’aurais de justes droits à votre cœur, je ne suis pas digne de vous. Ce n’est pas une jeune fille faible et timide comme moi qui pourrait vous rendre heureux. Non, Peyton, vous êtes formé pour de grandes actions, pour des entreprises hardies, pour des exploits glorieux, et vous devez être uni à une âme semblable à la vôtre, à une âme capable de s’élever au-dessus de la faiblesse de son sexe. Je vous attacherais trop à la terre ; mais avec une compagne douée d’un esprit différent, vous pouvez prendre votre essor et vous élever jusqu’au faite de la gloire. C’est en faveur d’une telle compagne que je renonce à vous librement, sinon avec plaisir, et je prie, ah ! combien je prie ardemment que vous soyez heureux avec elle !
    – Aimable enthousiaste, dit Dunwoodie, vous ne me connaissez pas, et vous ne vous connaissez pas mieux vous-même. Ce n’est qu’une femme douce, sensible, faible comme vous l’êtes, qu’il m’est possible d’aimer. Ne vous laissez pas abuser par des visions de générosité qui ne pourraient que me rendre malheureux.
    – Adieu, major Dunwoodie, dit Frances. Oubliez que vous m’ayez jamais connue, songez aux droits qu’a sur vous votre patrie déchirée, et soyez heureux.
    – Heureux ! répéta le major avec amertume en la voyant entrer dans le jardin de son père, où elle disparut bientôt dans les bosquets ; oh ! sans doute je suis au comble du bonheur !
    Il se jeta sur son cheval, piqua des deux, et eut bientôt rejoint son corps qui marchait au pas sur les routes montueuses du comté en s’avançant vers les bords de l’Hudson.
    Mais quelque pénibles que fussent les sensations de Dunwoodie en voyant se terminer d’une manière si peu attendue son entrevue avec sa maîtresse, ce n’était rien auprès de ce qu’elle éprouvait elle-même. Frances, avec l’œil clairvoyant de l’amour jaloux, avait aisément découvert l’attachement d’Isabelle Singleton pour Dunwoodie. Douée d’autant de réserve et de délicatesse que les romanciers en ont jamais prêté à leurs héroïnes imaginaires, il était impossible qu’elle crût un instant qu’il possédât cet amour sans avoir cherché à l’obtenir. Ardente dans ses affections, et ne connaissant pas l’art de les cacher, elle avait attiré de bonne heure les yeux du jeune soldat ; mais il avait fallu la mâle franchise de Dunwoodie pour courtiser ses bonnes grâces, et son dévouement sincère pour les obtenir. Ce point une fois emporté, son pouvoir sur elle était durable et absolu. Mais les incidents extraordinaires des quelques jours qui venaient de s’écouler, le changement qu’elle avait remarqué pendant ce temps dans la physionomie de son amant, l’indifférence inusitée qu’il lui avait témoignée, et surtout la passion romanesque que nourrissait pour lui miss Singleton, avaient éveillé dans son sein de nouvelles sensations. La crainte que son amant ne manquât de sincérité à son égard avait fait naître en elle ce sentiment qui accompagne toujours une affection pure, la défiance de son propre mérite. Dans un moment d’enthousiasme elle avait regardé comme facile la tâche de céder son amant à une autre qui pouvait en être plus digne ; mais c’est en vain que l’imagination cherche à tromper le cœur. Dunwoodie n’eut pas plus tôt disparu que Frances sentit toute la misère de sa situation, et si son jeune amant trouva quelque soulagement à ses soucis dans les soins qu’exigeait de lui le commandement d’un corps militaire, elle ne fut pas aussi heureuse en s’acquittant des devoirs que lui imposait sa tendresse filiale. Le départ de Henry avait privé

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