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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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dissection.
    – Et où est votre sujet ? demanda gravement le capitaine.
    – C’est le colporteur, répondit Sitgreaves en examinant le poteau qu’on avait arrangé pour servir de potence. Vous voyez qu’Hollister s’est conformé aux instructions que je lui avais données pour que le gibet fût construit de manière que la chute ne disloquât point les vertèbres du cou. Je prétends en faire le plus beau squelette qui soit dans les États de l’Amérique septentrionale. Le drôle était assez bien bâti, et j’en ferai un miracle de beauté. Il y a longtemps que je cherchais l’occasion d’envoyer quelque joli cadeau à ma vieille tante, qui a eu tant de bontés pour moi pendant mon enfance.
    – Comment diable, docteur Archibald ! vous enverriez un squelette à une vieille femme !
    – Pourquoi non ? L’homme est ce qu’il y a de plus noble dans la nature, et les os en forment les parties élémentaires. Mais où a-t-on mis le corps ?
    – Parti aussi.
    – Comment ? parti ! s’écria le docteur consterné. Et qui a osé s’en emparer sans ma permission ?
    – Le diable, répondit Betty ; et il vous emportera de même quelque jour sans plus de cérémonie.
    – Silence ! s’écria Lawton, triomphant avec peine d’une envie de rire ; osez-vous parler ainsi à un officier, vieille sorcière ?
    – Ne m’a-t-il pas appelée salope ? dit la vivandière en faisant craquer ses doigts d’un air de mépris. Je me souviens d’un ami pendant un an, et il me faut un mois pour oublier un ennemi.
    L’amitié ou l’inimitié de mistress Flanagan était ce dont le docteur s’inquiétait fort peu en ce moment, car il ne pouvait songer, qu’à la perte qu’il avait faite. Lawton fut obligé de donner à son ami tous les détails de cet événement.
    – Et vous pouvez vous vanter de l’avoir échappé belle, mon bijou de docteur, dit Betty quand le capitaine eut terminé son explication. Le sergent Hollister, qui l’a vu face à face, comme on pourrait dire, prétend que c’était Belzébut en personne et non un colporteur, sauf son petit trafic en mensonges, en vols et autres marchandises de son métier. Or vous auriez fait une belle figure en dissectant Belzébut. Je voudrais bien savoir si votre scarpel aurait trouvé facile de lui entamer la peau.
    Trompé dans sa double attente d’un déjeuner et d’une dissection, Sitgreaves annonça tout à coup son intention d’aller faire une visite aux Sauterelles pour voir comment se trouvait le capitaine Singleton. Lawton se décida à l’accompagner dans cette excursion, et montant à cheval, ils furent bientôt en route ; cependant le docteur fut obligé d’entendre encore quelques quolibets de la vivandière avant d’être hors de la portée de sa voix. Pendant quelque temps ils marchèrent en silence. Enfin Lawton, remarquant que son compagnon avait de l’humeur par suite de son désappointement et des sarcasmes de Betty, fit un effort pour lui rendre le calme, en lui disant :
    – C’était une charmante chanson, Archibald, que celle que vous aviez commencée l’autre soir, quand nous fûmes interrompus par les honnêtes gens qui nous amenaient le colporteur. L’allusion à Galien était délicieuse.
    – Je savais qu’elle vous plairait, Jack, quand vos yeux se seraient ouverts sur ses beautés, répondit le chirurgien, souffrant que ses muscles se relâchassent au point de sourire. Mais vers la fin d’un repas il arrive quelquefois que les fumées du vin se portant de l’estomac au cerveau, introduisent une sorte de confusion dans les idées, et ne permettent plus à l’esprit de bien juger en matière de goût et de science.
    – Et votre ode était aussi savante que spirituelle, dit Lawton, dont on ne pouvait apercevoir le sourire que dans ses yeux.
    – Ode n’est pas le nom qui convient pour cette sorte de composition. Je lui donnerais plutôt le nom de ballade classique.
    – Très-probablement. N’en ayant entendu que le premier couplet, il m’était difficile de lui donner un nom convenable.
    Le docteur toussa deux ou trois fois, comme pour se débarrasser le gosier des humeurs qui pourraient nuire à sa voix, quoique sans penser lui-même à quoi tendaient ces préparatifs. Mais le capitaine, tournant vers lui ses grands yeux noirs, et voyant qu’il éprouvait sur sa selle une sorte de malaise, lui dit :
    – Nous sommes ici loin du bruit et des importuns, pourquoi ne m’en chanteriez-vous pas

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