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L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance

Titel: L'Espion - Un épisode de la guerre d'indépendance Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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singularité. Leurs yeux se rencontrèrent ; ils sortirent ensemble, et se promenèrent quelques minutes en causant avec vivacité. Dunwoodie revint alors, et envoya tous les dragons rejoindre leurs camarades. Le sergent Hollister resta pourtant tête à tête avec Betty, qui, s’étant assurée que les vêtements qui avaient disparu étaient plus que payés par la guinée qui lui avait été laissée, était alors d’une humeur charmante. Depuis longtemps la vivandière regardait le sergent avec des yeux d’affection, et avait résolu in petto de se mettre à l’abri des dangers du veuvage en le donnant pour successeur à son premier mari. Elle croyait avoir remarqué qu’il répondait à sa préférence, et craignant que la colère à laquelle elle s’était emportée ne changeât ses dispositions favorables, elle voulut chercher à l’amadouer. Remplissant donc un verre de sa liqueur favorite, elle le lui présenta en disant :
    – Quelques mots prononcés dans la chaleur de la conversation ne sont rien entre amis, comme vous le savez, sergent ; combien de fois n’ai-je pas cherché noise à mon pauvre défunt Michel Flanagan ! Et cependant il n’y avait personne que j’aimasse tant au monde.
    – Michel était un bon soldat et un brave homme, dit le vétéran après avoir vidé son verre. Notre compagnie couvrait le flanc de son régiment quand il tomba, et je lui passai deux fois sur le corps pendant l’action. Le pauvre diable ! il était étendu sur le dos, et il avait l’air aussi tranquille que s’il fût mort dans son lit après une consomption de deux ans.
    – Oui, dit la veuve, Michel était un terrible consommateur. Avec deux personnes comme lui et moi, on trouve un fier déchet dans les provisions ! mais vous, monsieur Hollister, vous êtes un homme sobre et discret, et vous feriez un excellent mari.
    – Mistress Flanagan, dit le sergent d’un ton solennel, je suis resté ici pour vous parler d’un objet important auquel je ne puis cesser de penser, et je vous ouvrirai mon cœur si vous avez le loisir de m’écouter.
    – De vous écouter ? monsieur Hollister, j’en aurai le loisir, quand les officiers devraient se passer de déjeuner. Mais encore un verre. Cela vous encouragera à parler librement.
    – Non, Betty, non, je ne manque pas de courage dans une si bonne cause. Dites-moi, croyez-vous que ce soit bien véritablement cet espion de colporteur que j’aie enfermé ici hier soir ?
    – Et qui voulez-vous que ce soit, bijou ?
    – Le malin esprit.
    – Quoi ! le diable ?
    – Oui, Lucifer lui-même déguisé en colporteur, et ceux qui l’ont amené ici et que nous avons pris pour des Skinners, étaient des démons à ses ordres.
    – Si vous vous trompez sur le poids, sergent, ce n’est que de quelques onces : car s’il y a des diables dans le comté de West-Chester, à coup sûr ce sont les Skinners.
    – Mais j’entends de véritables esprits infernaux, mistress Flanagan. Le diable savait que nous ne garderions personne avec tant de précaution que l’espion Birch, et il a pris sa figure pour s’introduire dans votre chambre.
    – Est-ce qu’il n’y a pas assez de diables dans le corps, sans qu’il en vienne du fond des enfers pour tourmenter une pauvre veuve ? Et qu’est-ce que le diable voulait faire de moi, s’il vous plaît ?
    – C’est une merci pour vous qu’il soit venu, Betty. Vous voyez qu’il a pris votre forme pour s’en aller, et c’est un symbole du sort qui vous attend, si vous ne changez de vie. Si vous aviez vu comme il tremblait quand je lui ai mis en main le livre saint ! Et d’ailleurs, ma chère Betty, un chrétien se serait-il permis d’écrire sur une bible, à moins que ce ne fût pour y inscrire des naissances, des mariages, des décès ou d’autres choses semblables ?
    La vivandière fut charmée du ton de douceur avec lequel son amant lui parlait, mais fortement scandalisée de son insinuation. Cependant elle conserva sa bonne humeur, et lui répondit avec la vivacité des gens de son pays :
    – Et croyez-vous que le diable m’aurait payé mes vêtements ? oui, et plus que payé ?
    – C’est sans doute de la fausse monnaie, dit le sergent un peu ébranlé par cette preuve d’honnêteté dans un être dont il avait si mauvaise opinion. Il a voulu me tenter par ce métal brillant ; mais le Seigneur m’a donné la force de résister à la tentation.
    – Cette pièce m’a l’air bon,

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