Lettres - Tome I
dans quelles occupations m’a trouvé cette nouvelle. Je suis avec l’aïeul, avec la tante maternelle de ma femme, je suis avec des amis dont j’ai longtemps regretté l’absence ; je visite mes terres, j’entends beaucoup de plaintes de paysans, je lis des comptes bien malgré moi et en courant (car je suis habitué à d’autres écrits, à une autre littérature), je commence même à me préparer au départ. Je n’ai en effet qu’un congé de courte durée, et la nouvelle même de la charge accordée à Cornutus me rappelle la mienne. Je souhaite qu’en même temps votre Campanie vous donne congé à vous aussi, pour qu’après mon retour à Rome, il n’y ait aucun jour de perdu pour notre intimité. Adieu.
XV. – C. PLINE SALUE SON CHER ARRIUS ANTONINUS.
Éloge de Cornutus Tertullus.
Plus je cherche à égaler vos vers, plus je me rends compte de leur perfection. Les peintres cherchant à rendre une figure d’une beauté parfaite n’en donnent généralement qu’une image affaiblie ; comme eux j’échoue dans mes efforts et reste bien au-dessous de mon modèle. Aussi je vous prie de nous donner souvent de tels ouvrages que tous brûlent d’imiter, que personne ou presque personne ne peut égaler. Adieu.
XVI. – C. PLINE SALUE SON CHER EFULANUS MARCELLINUS.
La mort d’une jeune fille.
Je vous écris accablé de tristesse, car la fille cadette de notre ami Fundanus {119} est morte. Je n’ai jamais vu de jeune fille plus gracieuse, plus aimable, plus digne non seulement d’une longue vie, mais presque de l’immortalité. Elle n’avait pas encore quatorze ans, et déjà montrait l’avisement d’une femme âgée, le sérieux d’une mère de famille, sans rien perdre du charme d’une jeune fille et de la pudeur virginale. Comme elle s’attachait au cou de son père ! Et nous, les amis de son père, avec quelle affection et quelle modestie en même temps elle nous serrait dans ses bras ! Et ses nourrices, ses pédagogues, ses maîtres, avec quel tact elle donnait à chacun l’affection qui convenait à sa condition. Quelle application, quelle intelligence dans ses lectures ! Quelle retenue, quelle réserve dans ses jeux ! Avec quelle modération, quelle patience, quel courage même elle supporta sa dernière maladie ! Elle obéissait aux médecins, elle encourageait sa sœur, son père et se soutenait elle-même, lorsque les forces l’eurent abandonnée, par son énergie morale. Elle la conserva jusqu’à la fin ; ni la longueur de sa maladie ni la crainte de la mort ne purent la briser, comme pour augmenter et aggraver encore nos regrets et notre douleur. Ô mort cruelle et prématurée ! Ô mort survenue dans des circonstances plus odieuses encore ! Elle était déjà fiancée à un jeune homme distingué ; déjà était fixé le jour des noces ; déjà nous étions invités. En quelle affliction s’est changée tant de joie !
Les mots me manquent pour vous exprimer quel coup j’ai reçu au cœur, quand j’ai entendu Fundanus lui-même, (tant la douleur est féconde en désolantes inventions), ordonner que tout ce qu’il devait dépenser en toilettes, en perles, en pierres, fût employé en encens, en baume, en parfums. C’est un homme instruit et sage, qui dès son jeune âge s’est adonné aux connaissances les plus nobles ; eh bien, aujourd’hui, il dédaigne tout ce qu’il a souvent entendu dire, tout ce qu’il a dit lui-même, et, renonçant à ses autres vertus, il se consacre tout entier à son affection paternelle. Vous l’excuserez, vous l’approuverez même, si vous songez à la perte qu’il a faite. Il a perdu en effet une fille qui était l’image non moins de son caractère, que de ses traits et de son air, et faisait revivre son père tout entier par une ressemblance étonnante. Si donc vous lui écrivez au sujet d’un chagrin si légitime, souvenez-vous d’user dans vos consolations non pas de paroles trop fortes qui pourraient ressembler à des remontrances, mais de douceur et de compassion. Pour qu’il les reçoive plus volontiers, il faut compter beaucoup sur le temps. Une blessure encore fraîche redoute la main du médecin, puis elle la supporte et même la réclame ; ainsi une douleur récente repousse et fuit les consolations, puis les désire et, si elles sont apportées avec douceur, y trouve un apaisement. Adieu.
XVII. – C. PLINE SALUE SON CHER VESTRICIUS SPURINNA.
Les Métamorphoses en
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