Lettres - Tome I
NOTICE SUR PLINE LE JEUNE
Le siècle des premiers Césars touchait à sa fin. Après l’admirable floraison d’écrivains qui avaient contribué à la gloire d’Auguste, la décadence avait été rapide. En même temps que le niveau des mœurs publiques ou privées s’abaissait sous Tibère et ses successeurs, le génie romain avait été profondément altéré, et la littérature en avait subi le contre-coup. Cependant la génération qui vit le jour au milieu du premier siècle ne fut pas sans mérite, et quand, après la tyrannie de Domitien, une ère de paix intérieure et de prospérité s’ouvrit avec les Antonins, on eût pu s’attendre à voir la littérature briller d’un nouvel éclat dans tous les genres, en poésie comme en prose. Hélas ! la société avait été trop troublée, le souvenir des crimes politiques était encore trop récent ; les grandes sources d’inspiration semblaient taries. La poésie n’était plus qu’un divertissement de salon, la tribune aux harangues était muette ; l’éloquence n’avait plus d’emploi que dans le panégyrique, pompeux et déclamatoire par définition, ou au barreau, où elle était, il est vrai, écoutée par un peuple naturellement ami de la chicane et de la procédure. Seule l’indignation pouvait inspirer la verve satirique d’un Juvénal ou l’âpre génie d’un Tacite. C’est au milieu de ces circonstances historiques que nous allons suivre la carrière de Pline le Jeune, orateur et poète, dont nous n’avons plus les discours, dont les vers ont péri, mais dont la Correspondance, heureusement conservée, suffit à lui assurer un rang honorable à côté des meilleurs écrivains latins. C’est à elle que nous allons tout d’abord emprunter les détails qui permettent de reconstituer la biographie de son auteur.
Pline naquit en 61 ou 62, sous le principat de Néron, à Côme, agréable petite ville de la Gaule Cisalpine, ou plus exactement Transpadane, située sur les bords d’un lac qui porte aujourd’hui son nom, mais qui s’appelait alors le Larius. Il était fils de L. Cæcilius ; sa mère était sœur de Pline le Naturaliste, chevalier romain, natif de Côme, lui aussi. Toute cette famille provinciale jouissait d’une aisance qui passerait aujourd’hui pour la fortune. Le jeune homme ayant perdu son père de bonne heure, eut pour tuteur un personnage illustre alors, Verginius Rufus, et pour protecteur naturel son oncle qui, un peu plus tard en l’adoptant, lui donna son nom, C. Plinus Secundus. Celui que nous appelons Pline le Jeune, pour le distinguer de son savant parent, devint donc C. Plinius Cæcilius Secundus. Pline avait déjà pris la toge virile quand la catastrophe qui, le 24 août 79, engloutit sous les cendres du Vésuve Pompéi, Herculanum et Stabies lui enleva son oncle ; et il resta désormais l’unique soutien de sa mère. Il avait fait d’excellentes études, facilitées par de remarquables aptitudes personnelles, et dirigées non seulement par Pline l’Ancien, mais par d’autres maîtres éminents, comme Quintilien, le premier professeur public de rhétorique, auteur de l’ Institution oratoire, et par le philosophe stoïcien Musonius, non moins fameux alors, et qui compta parmi ses élèves Épictète. L’étude approfondie du droit le mit en relation avec les jurisconsultes les plus réputés de son temps ; bien doué pour la parole, il fut naturellement porté vers le barreau : il y commença sa carrière à dix-neuf ans, et c’est comme orateur judiciaire qu’il se fit tout d’abord connaître et apprécier de ses contemporains.
Cependant il ne pouvait manquer d’entrer dans la carrière des honneurs. Ce fut d’abord le service militaire. Nous le voyons en 81 soldat en Syrie, avec le grade de tribun de légion, qui donnait aux jeunes gens de distinction l’occasion de faire l’apprentissage du commandement ; mais nous ne sommes pas surpris de lire dans quelqu’une de ses lettres, qu’il se plaisait surtout à écouter le philosophe Euphrates, dont l’enseignement élevé et la conversation séduisante, le tenaient suspendu à ses lèvres (attentus et pendens) . Puis, après les premiers emplois publics, ce fut l’accession rapide aux magistratures curules. Questeur sous Domitien, auprès de qui il fut d’abord en faveur, il devint prêteur en 93, et entre temps, entra au Sénat comme on le faisait alors en sortant d’une charge importante. On sait d’ailleurs que ces
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