Lettres
Castillo est toujours aussi grosse et pénible, elle ne m’a même pas demandé de tes nouvelles, ce qui a d’ailleurs le don de m’énerver au plus haut point.
C’est dommage, tu vas rater ton année, vu que tu ne pourras pas te présenter aux examens, j’imagine.
Rends-moi un service : je veux que tu m’envoies les vers que tu m’avais écrits un jour, même sans dédicace. Tu me les avais notés sur un carnet et je les ai perdus. Surtout n’oublie pas.
Je vais voir si Alejandro veut bien me transmettre tes lettres, et tant pis si ça l’embête, parce que c’est la seule adresse à laquelle tu puisses m’écrire.
Sûr que ça va l’embêter, parce que pour voir les garçons, en ce moment, c’est la croix et la bannière. Ils sont presque toujours à la fac de droit et moi à l’École, je ne peux les retrouver qu’a une heure, ou parfois, mais très rarement, dans l’après-midi. Ce que tu dois être triste, toi aussi, tout seul et sans R… c’est moche, mais il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur.
Bon, Chong Lee, j’espère te revoir bientôt. En attendant, écris-moi souvent et reçois le bonjour des garçons et de chacune de tes frangines qui ne t’oublient pas et qui ont très envie de te revoir aussi joyeux que le jour où tu regardais Delgadillo dans El Marinerito .
Mon petit chat t’envoie plein de bisous, de même que mon petit chien. Si tu le voyais, comme il est mignon.
Frieda Kahlo
Voici mon dernier portrait. [ Elle fit un petit dessin .]
Réponds-moi. Alejandro et Chuchito te passent le bonjour.
Friedita
Lettre à Alejandro Gómez Arias
Coyoacán, le 10 août 1923
Alex,
J’ai reçu ta chère petite lettre hier à sept heures du soir, au moment où je m’attendais le moins à ce que quelqu’un se souvienne de moi, et encore moins ce cher monsieur Alejandro, mais par chance je me trompais. Tu n’imagines pas à quel point j’ai adoré que tu me fasses confiance comme à une véritable amie, que tu me parles comme jamais tu ne m’avais parlé, car tu as beau me dire, avec un brin d’ironie, que je suis tellement supérieure et tellement loin de toi, moi, de toutes ces lignes, je retiens l’essentiel, pas ce que d’autres préféreraient retenir… Tu me demandes de te conseiller et je le ferais de tout cœur si ma toute petite expérience de quinze ans (9) pouvait servir à quelque chose, mais si mes bonnes intentions te suffisent, sache que je t’offre non seulement mes humbles conseils mais aussi ma personne tout entière.
Bon, Alex, écris-moi des lettres, et des bien longues, plus c’est long mieux c’est, et en attendant reçois toute la tendresse de
Frieda
PS : Passe le bonjour à Chong Lee et à ta petite sœur.
Lettres à Miguel N. Lira
Cher Chong Lee,
Tai su par Pulques et par Alejandro que tu étais à Tlaxcala, je prends donc les devants et je t’écris là-bas. Tu ne t’es même pas souvenu de moi quand tu es parti et impossible de savoir où tu étais, sinon tu aurais déjà reçu une lettre, parce que je ne peux pas t’oublier, moi. Voilà pourquoi je t’écris, en espérant que tu me répondras au 1, rue Londres, Coyoacán, comme tu m’as écrit la dernière fois (Rebeca). Raconte-moi comment tu vas, quand tu es parti, ce que ton père a dit en apprenant que tu avais réussi tes examens. Raconte-moi plein de choses et écris-moi souvent car je me languis de toi et de ta bonne humeur avec moi et avec tout le monde.
J’imagine que tu ne resteras pas très longtemps à Tlaxcala, n’est-ce pas ? Si tu y passes toutes les vacances, au moins préviens-nous et puis écris-nous régulièrement.
Raconte-moi ce que tu fais, où tu vas te promener, quels amis, filles et garçons, tu as là-bas… pas aussi sympas que ceux d’ici, pas vrai ?
Bon, Chong Leesito, je te dis au revoir et puis je veux que tu m’écrives, sinon ça va barder.
Prie Dieu que je réussisse mes examens, récite chaque soir un Notre Père et un Ave Maria pour que je ne tombe pas sur ce cher Orozco Muñoz.
Reçois toute la tendresse de ta petite sœur qui t’aime.
Frieda
[ Elle dessine un visage en larmes .]
AVANT : des larmes car tu es très méchant et tu ne nous as pas dit au revoir.
[ Elle dessine un visage souriant .]
APRÈS : quand je t’aurai pardonné. Des tas de bises.
*
México, 25 novembre 1923 (10)
Mon cher Chong Leesito,
Tu n’imagines pas ce que ça m’a fait plaisir de
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