Lettres
recevoir ta lettre. Tu me manquais trop et j’avais envie d’avoir de tes nouvelles.
Si tu savais comme je me sens triste en ce moment. Figure-toi que je ne vois plus personne de la bande. Chuchito brille par son absence, toi là-bas dans cette contrée lointaine, bref, tu imagines ce que je suis triste sans vous qui êtes tout pour moi. Le seul que je puisse voir, c’est Alex.
J’ai plutôt bien réussi mes examens, j’ai eu de la chance.
Dis-moi si tu t’amuses bien à Tlaxcala. J’imagine que oui, et même plutôt beaucoup, pas vrai ? C’est toujours chouette de revenir sur les lieux de son enfance.
Tu me manques beaucoup et je voudrais passer avec toi ne serait-ce qu’un autre samedi comme celui où on a mangé toutes ces sucreries, tu te souviens ? Quand tu rentreras, préviens-moi pour que j’aille te chercher à la gare, mais tu me dis que pas avant janvier ; ça fait loin, je vais trouver le temps long et triste sans toi. Sauf que tu vas m’écrire souvent, et moi pareil. Je ne te raconte rien de neuf car, comme tu peux le constater, rien ne change à Mexico, et le jour où ça change, voilà qu’on se met à regretter. (Plus personne ne fait le pied de grue devant l’arrêt.)
Lettres à Alejandro Gómez Arias
16 décembre 1923
Alex,
Je suis vraiment désolée de ne pas avoir été hier à quatre heures à l’université. Ma mère ne m’a pas laissée aller à Mexico parce qu’il y avait du grabuge, à ce qu’on lui avait dit. En plus, je ne me suis pas inscrite et maintenant je ne sais pas quoi faire. Je te supplie de me pardonner, je sais que tu m’as trouvée grossière, mais ce n’était pas ma faute ; j’ai eu beau faire, ma mère s’était mis en tête de ne pas me laisser sortir et j’avais plus qu’à ronger mon frein.
Demain lundi, je vais lui dire que je passe un examen de modelage et que je dois rester toute la journée à Mexico. On verra bien : il faut d’abord que je teste l’humeur de ma chère petite maman, après je me déciderai à lâcher ce bobard ou pas. Si jamais j’y vais, je te retrouve à onze heures et demie à la fac de droit. Tu n’auras pas besoin d’entrer dans l’université : attends-moi au coin de chez le glacier, si tu veux bien. Comme prévu, la posada aura lieu chez Rouaix, du moins la première, c’est-à-dire maintenant ; je suis bien décidée à ne pas y aller, mais va savoir si au dernier moment…
En tout cas, étant donné que nous allons peu nous voir, je veux que tu m’écrives, Alex, parce que sinon moi non plus je ne t’écrirai pas, et si tu n’as rien à me dire, envoie-moi une feuille blanche ou bien dis-moi cinquante fois la même chose, au moins j’aurai la preuve que tu te souviens de moi…
Bon, je t’embrasse et t’envoie toute ma tendresse.
Ta
Frieda
Excuse les revirements d’encre.
*
19 décembre 1923
(…) Je suis en colère parce qu’on m’a punie à cause de cette idiote de Cristina, tout ça parce que j’ai flanqué une rouste à cette morveuse (elle m’avait chipé des trucs) et qu’elle s’est mise à beugler pendant une demi-heure. Résultat : je me suis pris une raclée de première et on ne m’a pas laissée aller à la posada d’hier, et maintenant c’est tout juste si on me laisse sortir dans la rue. Du coup, je t’écris à toute vitesse, mais je t’écris quand même pour que tu voies que je ne t’oublie pas, même si j’en ai gros sur le cœur. Imagine un peu : je peux pas te voir, je suis punie et j’ai passé la journée à ne rien faire, tellement je suis en pétard. Tout à l’heure, j’ai demandé à maman de me laisser aller jusqu’à la place pour m’acheter une friandise et j’en ai profité pour aller à la poste… histoire de t’écrire.
Reçois plein de baisers de ta petite à qui tu manques.
Salue pour moi Carmen James et Chong Lee (s’il te plaît).
Frieda
*
22 décembre 1923
Alex,
Hier je n’ai pas pu t’écrire car il était tard quand on est rentrés de chez les Navarro, mais à présent j’ai du temps pour toi. Hier soir le bal n’était pas extraordinaire, c’est le moins qu’on puisse dire, mais bon, on trouve toujours moyen de s’amuser un peu. Ce soir, il y a une posada chez Mme Roca, j’irai dîner là-bas avec Cristina, ça risque d’être bien parce qu’il y aura des tas de jeunes gens, et la maîtresse de maison est très sympathique. Je t’écrirai demain pour te raconter
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