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L'holocauste oublié

L'holocauste oublié

Titel: L'holocauste oublié Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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que l’on a vu, et ici encore moins qu’ailleurs…
    — Je termine la dissection des trois autres paires de jumeaux, notant comme d’usage les anomalies trouvées. La cause de la mort de ces derniers est la même : piqûre de chloroforme dans le cœur. Je fais une observation curieuse. Sur quatre paires de jumeaux, trois présentant des globes oculaires de couleur différente. Un œil est bleu, l’autre marron. Ce phénomène se rencontre aussi chez des non-jumeaux. Mais, dans le cas présent, je l’ai observé chez six jumeaux sur huit. C’est une accumulation intéressante d’anomalies. Dans la science médicale, on l’appelle hétérochromie, ce qui veut dire couleurs différentes. Je prélève les yeux et je les mets chacun à part dans une solution de formol et note exactement leurs caractéristiques afin de ne pas les confondre. Je rencontre encore d’autres faits curieux. Lors de la dissection de quatre paires de jumeaux, je trouve, en décollant la peau du cou et au-dessus de l’extrémité supérieure du sternum, une tumeur de la grosseur d’une noisette. Pressant dessus avec ma pince, j’en exprime du pus épais. C’est un phénomène très rare mais bien connu en médecine. Il est une des manifestations de l’hérédosyphilis et on l’appelle tumeur de Dubois. Cette manifestation est présente chez les huit jumeaux. J’excise la tumeur, entourée de tissus sains. Je la mets également dans des verres remplis de formol. Chez deux paires de jumeaux, je rencontre également une tuberculose active et caverneuse. Je note tout dans le procès-verbal, mais je laisse en blanc la rubrique : « Cause de la mort. »

Noma.
     
    — Depuis (84) le début du camp, la mortalité infantile était effroyable et une maladie que nous connaissions seulement par les livres, maladie appelée Noma, gagnait tous les Blocks : les enfants hospitalisés et les enfants des Blocks-habitations. Si on demandait actuellement à un étudiant en médecine ou à un médecin de moins de soixante-dix ans ce que c’est que le Noma, il répondrait sans hésitation qu’il ne sait pas. J’ai posé moi-même la question et la réponse est la même :
    — « Je ne sais pas, qu’est-ce que c’est ? En avez-vous un cas ?
    — « Dieu merci, non, et espérons que nous n’en aurons jamais. »
    — Donc, une maladie disparue, comme ont disparu les condamnations à mort pour avoir disséqué un cadavre, pour avoir assisté au Sabbat ou avoir « Viré » (fait danser le loup et la chèvre).
    — Grâce à l’hitlérisme cette maladie a été rappelée à la vie et quelle résurrection. Des centaines d’enfants tsiganes en sont morts dans des souffrances indicibles, crachant des morceaux de joue, des morceaux de langue, des dents ; éloignant par leur odeur pestilentielle même les soignantes les plus dévouées. J’ai fait l’autopsie de plusieurs de ces enfants. Le docteur Mengele voulait aussi avoir des comptes rendus de vérifications anatomiques. Avec l’arrivée du professeur déporté Epstein de la faculté de Prague, les cas de Noma devinrent de plus en plus rares et la maladie s’éteignit complètement vers la fin de l’automne. Le docteur Mengele avait une grande estime pour le professeur Epstein et faisait des efforts pour lui fournir des sulfamides (Albucid) et des vitamines. D’autre part, les Blocks étaient moins encombrés car les pays prospectés par les S.S. ne fournissaient presque plus de tsiganes. On en inventait certes, à partir de détenus dont les traits pouvaient à la rigueur présenter quelques caractères « spécifiques » mais la certitude scientifique était ébranlée.
    — D’après (85) les conceptions médicales établies, le « noma facies » apparaîtrait surtout en liaison avec la variole, la scarlatine ou la typhoïde. Or, ces maladies, ainsi que les conditions d’hygiène déplorables, paraissent être seulement des facteurs favorables au développement du « Noma ». En effet, on rencontre ces mêmes maladies dans les camps tchèque, polonais ou juif, mais le « Noma » frappe seulement les enfants tsiganes. Il semble donc indiscutable qu’il soit en corrélation avec la présence de l’hérédosyphilis.
    — C’est à la suite de ces observations que s’est développée une nouvelle méthode thérapeutique riche en résultats et qui promet des guérisons certaines. L’essentiel consiste dans la combinaison du traitement antisyphilitique par

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