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L'holocauste oublié

L'holocauste oublié

Titel: L'holocauste oublié Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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gitanes et de leurs enfants. Troupeau bariolé et pittoresque, aux boucles noires, aux yeux de feu. On a laissé aux femmes leurs robes aux couleurs chatoyantes et leurs bijoux. Toutes portent un sac sur l’épaule et tiennent leurs gosses par la main. Nous les distinguons mal, car on a fait le vide devant elles comme devant toutes celles qui arrivent, en général, pour qu’on ne puisse leur parler. Pourtant, nous voudrions bien savoir d’où elles viennent, pourquoi les boches les ont arrêtées et pourquoi, aussi, elles jouissent du privilège de garder effets et bijoux personnels.
    — « C’est sans doute, dit Colette, parce que les pauvres Siemens pausent devant les douches, qu’on n’a pas déshabillé les arrivantes. »
    — En effet, depuis 5 heures du matin, mille femmes sont debout et doivent rester ainsi jusqu’à 9 heures du soir.
    — Motif plus ou moins vrai : elles ont parlé dans les rangs !… Naturellement, elles n’ont rien reçu à manger et comment faire pour passer à Denise, ne fût-ce qu’un morceau de pain ? Ce groupe impressionnant est gardé par une rangée serrée de policières. Toury, la chef de police du camp, une Allemande, surnommée « Dromadaire » à cause de son dos bossué, et « Fernandel », ainsi baptisée à cause de sa jolie bouche, inspectent, elles aussi, de leur regard morne et brutal.
    — L’accoutrement de certaines prisonnières, leurs pauses différentes, selon leur nationalité et leur nature, leurs occupations. D’abord, cette file interminable qui attend, gamelle en main, le moment de passer devant le bidon. Elle piaffe dans le vent glacé ou se recroqueville. S’il fait moins froid, la voici assise ou accroupie, dans toutes les positions. Tandis que l’une avale ses rutabagas, l’autre, à ses côtés, épouille ses vêtements. Celle-ci qu’on a rasée il y a quelque temps, s’escrime à se coiffer à l’aide d’un bout de peigne cassé, devant un bout de glace plus cassée encore, tandis que les Ukrainiennes tournent autour de leurs pieds des lambeaux de chiffons qui leurs servent de bas. Une tsigane passe et… elle se mouche dans une soupe. Les protestations ne servent à rien. Des hurlements tout proches ne semblent pas troubler l’assistance : des tsiganes et des polaks ayant sauté par les fenêtres du 24, se labourent les côtes et se crêpent le chignon. Émeute. Les policières ont toutes les peines du monde à leur faire réintégrer leur domicile.
    — Aux W.-C. sans portes – oh ! les queues qu’il fallait faire, nous n’avions que six cabinets pour deux mille personnes ! – une surveillante est en train d’assommer une femme parce qu’elle n’a pu digérer l’ignoble nourriture et qu’elle a vomi trop longtemps ; tandis qu’à côté on discute de la Vierge et du Christ, et qu’à côté encore on échange des recettes de crèmes au chocolat !
    — Révolte au camp. Les tsiganes font preuve d’indocilité durant l’appel, depuis qu’on leur a retiré leurs enfants. Elles vont partir en transport. Et les convois continuent d’affluer.
    — « De cette tente (132) sort une rumeur, des cris. On se demande ce qui se passe. Cette fois nous entrons. Ah ! comment décrire la vision qui s’offre à nos yeux. Les mots n’ont pas assez de force pour décrire cette horreur. Peut-on imaginer cette « baraque » de toile, de dimensions énormes où s’engouffrent le vent, la pluie, le froid ? La terre nue est recouverte de boue… et sur cette terre, vaincues par la fatigue, 2 000 à 2 200 femmes couchées, ramassées les unes sur les autres… une odeur affreuse nous prend au nez, ce mélange de vêtements humides et de… W.-C. car ceux-ci sont des plus sommaires : de simples seaux exposés au fond de la tente dans la partie la plus étroite. Nous sommes là, trente-cinq Françaises. Nous regardons ce spectacle avec des yeux qui n’osent pas croire ce qu’ils voient. Ces femmes couchées là, est-ce bien des êtres humains ? Nous en interrogeons, ce sont des Hongroises, des Slovaques, des tsiganes. Aussi, un groupe d’Autrichiennes venant de Graz. L’une d’elles est sur un brancard, nous parlons longuement avec elle. Elle est paralysée, suite de coups reçus à la Gestapo. Elle faisait partie d’un groupe de patriotes. Il y eut une révolte à Graz et ils furent arrêtés. Le crime des premières : elles sont juives et appartiennent presque toutes à la « société ». Les autres

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