L'holocauste oublié
le docteur Sigmund Wolf recevait constamment de longues listes de personnes dont on lui demandait d’établir la généalogie en remontant à leurs huit arrière-grands-parents. Ces demandes émanaient du Service d’information du parti ou directement de l’Office central de Munich. C’est l’année où le docteur Achim Gercke, expert en généalogie auprès du ministère de l’intérieur, demanda au docteur Wolf de lui vendre tous ses arbres généalogiques tsiganes, et de travailler avec lui. Le docteur Wolf refusa. À peu près à la même époque, le docteur Gercke fonda un Centre national pour la recherche généalogique à Berlin ; il continuait à envoyer des demandes de renseignements au docteur Wolf. En 1936 enfin, le centre de la Gestapo de Magdebourg finit par opérer une descente dans la maison que le docteur Wolf avait dans cette ville et finit par emporter toute sa documentation. Le docteur Wolf devait apprendre par la suite que sa documentation était utilisée par un docteur Ritter et il fut avisé qu’il serait envoyé dans un camp de concentration s’il ne mettait un terme à ses protestations au sujet de cette affaire.
— L’organisme principal du nazisme pour l’étude des tsiganes fut fondé en 1936 par le docteur Robert Ritter ; un an plus tard, cet organisme prenait le nom d’Unité de recherche sur l’hygiène raciale et la biologie des populations et était rattaché au ministère de l’Hygiène à Berlin-Dahlem.
— L’organisme, qui existait déjà à Munich, disposait de 19 000 dossiers de tsiganes, quand Ritter commença son travail… Il avait formé le projet de faire interroger tous les tsiganes vivant en Allemagne de façon à établir la liste des autres membres de leurs familles et d’établir ainsi des tableaux généalogiques complets…
— Les enquêtes généalogiques systématiques ne commencèrent qu’en décembre 1938 après la promulgation du décret pour la Lutte contre le Danger Tsigane. En février 1941, Ritter avait classé 20 000 personnes comme tsiganes purs ou métissés. Au printemps de 1942, il était à 30 000 dossiers, ce qui correspond à peu près à la totalité des populations tsiganes de la grande Allemagne.
QUAND JE RENTRAIS À LA MAISON (18) …
Quand je rentrais à la maison,
Les portes s’ouvraient,
Les portes s’ouvraient,
Devant la petite tsigane.
Je demande pardon aux tsiganes,
Qu’on m’accorde la liberté,
Qu’on m’accorde la permission,
De retourner à la maison.
Tu as frappé l’heure, mon Dieu,
Où j’ai mis le pied hors de chez moi,
Où j’ai quitté la maison,
Pour la noire Allemagne.
Je suis perdue déjà, mon Dieu,
Je n’y ai pas pris garde,
Je me suis ruinée,
Dans cette grande Allemagne.
Pourquoi, mon Dieu, pour moi,
Cette triste vie,
Si je n’ai pas de bonheur,
Au milieu de ma tribu.
Secours-moi, Seigneur Dieu,
Ne me laisse pas périr,
Laisse-moi mener encore une fois,
Une joyeuse vie.
Je demande encore pardon,
Aux nombreux tsiganes,
Qu’ils m’accordent la liberté,
De retourner chez moi.
Si je rentrais,
Je mènerais la belle vie,
Je commanderais à boire,
Pour mes bons frères.
LES ANTICHAMBRES FRANÇAISES D’AUSCHWITZ
Sur les rayonnages des salles de classement de la plupart des « Archives Départementales Françaises », d’épais dossiers attendent que les chercheurs viennent en secouer la poussière. Parfois un historien américain ou britannique étonne le conservateur de permanence en déposant une demande de lecture pour une « cote » que personne, depuis 1945, n’avait jugé utile de consulter. Les Français qui ont fait l’effort d’entreprendre cette grande tournée départementale, ne dépassent pas trois ou quatre. Trois ou quatre en trente-cinq ans. Les archives des camps de concentration français n’intéressent personne. Elles constituent un nouvel enfer dans lequel les chercheurs craignent de se brûler les doigts car il n’est pas « convenable », même aujourd’hui, de rappeler que la France se couvrit, tout au long de la Seconde Guerre mondiale, d’un réseau complet et efficace de camps de concentration sans lesquels la déportation vers les barbelés d’Auschwitz, Buchenwald, Dachau, etc., aurait été impossible. Oh ! bien sûr, Argelès, Le Vernet d’Ariège, Gurs, et tous les autres ne possédaient ni chambre à gaz, ni crématoires, mais peut-on oublier, cacher, qu’ils en
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