L'holocauste oublié
(Nicht-Zigeuner)
Quoi qu’il en soit, cinq à six mille tsiganes d’Allemagne et d’Autriche seront préservés de l’extermination en vertu de la loi « sur la protection des monuments historiques » (sic). Cette bizarrerie juridico-administrative sous-entendait ainsi que les Sinti et Lalleri échappaient aux lois raciales mais restaient menacés de stérilisation, car « un monument historique est unique et l’on ne saurait concevoir qu’il puisse se multiplier ». La décision de stérilisation a été prise bien avant la conférence de Wansee qui, en 1942, donna carte blanche à Eichmann pour le règlement de la Solution finale du problème juif et tsigane.
Le responsable en 1935 de la police allemande, Bader, n’étonna guère ses confrères de la police criminelle de Copenhague lorsqu’il leur déclara :
— « Les gitans, qui constituent un élément étranger, ne deviendront jamais membres à part entière de la population autochtone. Quiconque, en tant que gitan, trouble l’ordre public et enfreint les lois, n’a aucune pitié à attendre. La solution de ce problème doit être cherchée dans la possibilité donnée à tous les gitans et semi-gitans qui veulent s’assimiler et travailler de le faire. Tous les autres doivent être traqués avec une rigueur impitoyable, et emprisonnés ou expulsés. Il peut être bon de songer à inclure de tels gitans dans la catégorie des personnes sujettes à la loi de stérilisation. »
Et l’année suivante, en 1936, plus de cinq cents tsiganes étaient expédiés à Dachau pour être rééduqués et peut-être stérilisés.
En 1938, le Gauleiter de Styrie, Portschy, écrivait au ministre de la Justice du Reich.
— « Pour des raisons de santé publique et, en particulier, parce que les tsiganes ont une hérédité notoirement chargée, que ce sont des criminels invétérés qui constituent des parasites au sein de notre peuple et qu’ils ne sauraient qu’y produire des dommages immenses mettant en grand péril la pureté du sang de la paysannerie frontalière allemande, son genre de vie et sa législation, il convient en premier lieu de veiller à les empêcher de se reproduire et de les soumettre à l’obligation du travail forcé dans des camps de travail, sans les empêcher de choisir l’émigration volontaire vers l’étranger.
— « Il n’est pas possible d’atteindre ce but complètement si l’on veut considérer ou bien appliquer les seules lois actuellement en vigueur. Si on les interprétait consciencieusement au sens strict du terme, on n’arriverait à prendre que des demi-mesures en ce qui concerne la question tsigane. Ou bien on interpréterait les lois dans un sens tellement large qu’il faudrait se résoudre a priori à entrer en contradiction avec leurs termes, ou bien on établirait une loi d’exception, solution qui me paraîtrait politiquement inopportune.
— « Les arguments en faveur d’une stérilisation des tsiganes peuvent, en effet, être a priori développés tacitement au point qu’on puisse en arriver, par la seule loi sur la prophylaxie contre la progéniture porteuse de maladies héréditaires, à une lutte efficace contre l’accroissement de la pollution tsigane. Nous devons nous servir hardiment et sans réticence de cette loi. Au moins, on ne donnerait pas prétexte à la presse étrangère de pousser de hauts cris, pour cette simple raison qu’on peut toujours, de plein droit, soutenir que cette loi sur la prophylaxie contre la progéniture porteuse de maladies héréditaires, est tout aussi valable pour les citoyens du Reich allemand. De même, le principe des pays démocratiques, selon lequel tous doivent être égaux devant la loi, est pleinement respecté.
— « Conformément au principe que dans un État aux mœurs élevées, et en particulier dans le Troisième Reich, seul peut vivre celui qui travaille et qui produit, les tsiganes devraient être soumis à un travail obligatoire constant en conformité avec leur nature…
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— L’origine (17) des recherches allemandes consacrées aux tsiganes remonte à Alfred Dillman, un fonctionnaire qui, en 1899, fonda à Munich un Service d’information tsigane, qui fut par la suite dénommé « Office central pour la lutte contre le péril tsigane ». Les nazis commencèrent à s’intéresser aux tsiganes en tant que race l’année même où ils prirent le pouvoir. Le spécialiste du problème tsigane qu’était
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