L'holocauste oublié
température de trois degrés. Les sujets étaient alors plongés dans l’eau, revêtus d’une tenue d’aviateur, ou complètement nus. Tant que Holzlöhner et Finke prirent part aux expériences, la plupart de celles-ci furent effectuées sous anesthésie, alors que pendant la période de Rascher, celui-ci n’utilisa jamais l’anesthésie ; il déclarait qu’on ne pouvait pas connaître ainsi la condition exacte du sang, et que la volonté du sujet était exclue. Il se passait toujours un certain temps avant la perte de connaissance. La température était mesurée dans le rectum et dans l’estomac. L’abaissement de la température à 32° constituait une épreuve terrible pour le sujet. À 32°, il perdait connaissance. Les sujets furent refroidis jusqu’à une température corporelle de 25° ; afin de vous faire comprendre la question, je voudrais vous dire quelque chose au sujet de la période Holzlöhner et Finke. Pendant cette période aucun sujet ne fut réellement tué dans l’eau. Les cas de mort survinrent seulement au moment de la réanimation, ou plutôt pendant le réchauffement. La température continuait de baisser, et causait une insuffisance cardiaque aiguë également favorisée par l’insuffisance thérapeutique ; ainsi, par opposition aux expériences dans la chambre à basse pression, on peut dire que les victimes de la période Holzlöhner et Finke n’avaient pas toute leur connaissance dans le bassin, alors que dans la chambre à basse pression, chaque cas de mort pouvait être considéré comme un meurtre délibéré, et non comme un accident.
— Ce fut différent quand Rascher s’occupa personnellement des expériences ; à ce moment, un grand nombre de personnes furent laissées dans l’eau jusqu’à la mort. C’est sur deux officiers russes qu’eut lieu la pire de toutes les expériences effectuées à Dachau. Les deux officiers furent amenés du Bunker. Il était interdit de leur parler. Ils arrivèrent dans l’après-midi, à peu près à 4 heures ; Rascher les fit déshabiller et entrer nus dans le bassin. Deux heures après, ils avaient encore leur connaissance. Nos appels à Rascher, pour qu’il leur fasse une injection, furent sans résultat. Pendant la troisième heure, un des Russes dit à l’autre : « Camarade, dis à cet officier qu’il peut nous achever d’une balle. » À quoi l’autre répondit : « N’attends rien de ce chien ! »
— Après ces paroles, qui furent traduites du russe par un jeune Polonais qui en atténua la forme, Rascher retourna dans son bureau. Le jeune Polonais essaya immédiatement de les chloroformer, mais Rascher revint, et nous menaça de son revolver, en disant : « Ne vous en mêlez pas, et ne vous approchez pas d’eux. » L’expérience se poursuivit pendant au moins cinq heures, avant d’aboutir à la mort. Les cadavres furent envoyés à Munich pour y être autopsiés.
H. – Combien de temps faut-il normalement pour tuer une personne par le froid ?
N. – La longueur de l’expérience varie avec chaque individu, et bien entendu s’il est habillé ou nu ; s’il est physiquement faible et s’il est nu. La mort se produit souvent au bout de quatre-vingt-dix minutes, mais un grand nombre de sujets restèrent dans l’eau trois heures avant de mourir.
H. – Pouvez-vous décrire au tribunal la méthode de réchauffement des victimes du froid ?
N. – Pendant que Rascher et Holzlöhner opéraient ensemble, le réchauffement était pratiqué par massages, injections de tonicardiaques, chauffage électrique et bains chauds. À la fin de la période Holzlöhner, la méthode de réchauffement avec l’eau chaude fut pratiquée, à l’exception de quelques expériences de réchauffement par chaleur animale. Pour celles-là, dix femmes furent envoyées du camp de Ravensbrück, et furent obligées de se presser, nues, contre le corps des sujets gelés, afin de les réchauffer.
H. – Vous rappelez-vous un ordre de Sievers, de septembre 1942, de porter les poumons et les cœurs de cinq détenus qui avaient été tués, au professeur Hirt, à Strasbourg, pour étude scientifique ultérieure ?
N. – C’est exact. C’est moi qui ai porté ces cœurs et ces poumons, j’ai remis personnellement la lettre au professeur Hirt, et il me remit une lettre fermée pour le docteur Rascher, ainsi qu’un paquet.
— Tous les quatre mois et tous les six mois, Rascher établissait des rapports détaillés
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