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L'holocauste oublié

L'holocauste oublié

Titel: L'holocauste oublié Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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étions peut-être dix ou quinze dans ce cas. Je sais qu’à Gurs ils étaient plus de vingt. On nous a toujours pris pour des Espagnols. Et les Espagnols aussi. Je vis en Italie et je ne veux plus entendre parler de la France et de l’Allemagne. C’est les Français qui nous ont arrêtés et qui nous ont donnés comme des paquets aux S.S. Je ne l’oublie pas. Ça a été dur mais je suis dur. On s’en est sorti par miracle. C’est tout. Même le Pape m’a interrogé. Je lui ai dit ça. Même sur les Français. Mauthausen, je n’en parle pas. Les républicains espagnols m’ont sauvé la vie. Avant de mourir je passerai par l’Espagne. C’est ma vraie patrie.
    — Quatre-vingt-onze (186) tsiganes autrichiens arrivèrent en juillet 1941 à Mauthausen, et en les voyant défiler les S.S. devaient les appeler « marchandise de rebut ». Mauthausen devait être pour ce petit groupe de tsiganes le camp le plus dur. Seul pourrait survivre celui qui s’était entraîné, qui avait appris à travailler ou à tromper les S.S. et les Kapos. Mais il est facile de concevoir combien cela fut difficile à ce petit groupe de prisonniers. Outre les chicaneries supplémentaires que les gardiens ne leur ménageaient pas, ils n’étaient absolument pas prêts à accepter la discipline du camp et se tenaient généralement loin de toute communauté. Le lien de solidarité à l’intérieur de la famille était d’autant plus fort. Les oppositions affirmées encore avec force avant 1938 entre les tsiganes Rom et les groupes nomades Sinte disparaissaient d’elles-mêmes dans les camps.
    — En été 1941 (187) , nous fûmes envoyés à Mauthausen et de cinq frères nous ne restions plus que trois. À Mauthausen le taux de mortalité augmenta encore grâce à un procédé plus rapide : l’explosion. Là je fus un jour gravement blessé mais le S.S. me cria :
    « Veux-tu rester debout, espèce de cochon ! »
    — Et je dus retourner à la carrière. Les médecins-prisonniers m’ont alors rafistolé. Quelques mois plus tard je suis arrivé à Lackenbach par la promenade Elisabeth. À Lackenbach se trouvaient ma femme et mes jeunes enfants, mais ce n’est que plus tard que j’ai eu la permission de les voir. J’ai pris part alors au travail dans la forêt. Combien de troncs ai-je scié ! Puis j’ai travaillé dans les débits de vin et le soir cela s’appelait « faire de la musique ». Et les transports d’Auschwitz nous devions les accompagner en jouant, même lorsque ma belle-mère, ma sœur et ses enfants y étaient entassés dans les wagons… et nous ne les avons jamais revus… »
    — Vers (188) la fin de la guerre, une unité de jeunesse hitlérienne fit partie de la garnison de Mauthausen. À cette époque, le camp abritait environ cinq cents enfants dont quelques-uns étaient des tsiganes allemands. Les membres des jeunesses hitlériennes avaient l’habitude d’emmener des groupes de ces gosses dans la cour, derrière le Bunker, non loin de l’endroit où se trouvait l’escalier conduisant au crématoire et à la chambre à gaz, pour jouer au ballon avec eux en leur offrant des friandises. Pendant que les enfants jouaient joyeusement, un ou deux membres des jeunesses hitlériennes se détachaient du groupe et, attrapant sous chaque bras un enfant sans méfiance, les emmenaient dans la chambre à gaz. À la fin du jeu il ne restait plus sur la place qu’un ballon et quelques bonbons tombés à terre.
    — Dans (189) l’histoire de Mauthausen reviennent sans cesse les noms de certains Kapos meurtriers que leur bestialité a désignés au mépris de leurs propres compatriotes. On a la preuve qu’ils soulevaient même chez les S.S. un sentiment de dégoût. Durant diverses périodes, les Blocks 15 et 5 servaient moitié de baraquements pour les juifs, moitié d’infirmerie. Ces deux Blocks étaient dirigés par un tsigane de nationalité allemande surnommé Negro et qui avaient pour les juifs une haine pathologique. C’était délibérément qu’on lui avait assigné ces deux Blocks et son règne y fut impitoyable et extrêmement « efficace ». Les décès survenaient parmi les internés avec une régularité sans défaut, afin de laisser la place à de nouveaux arrivants. Un des rares juifs qui survécut au règne de Negro fut l’agent britannique Edward Zeff. Au moment où il attendait d’être installé dans son baraquement, Zeff entendit appeler « le juif ». Il ne répondit

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