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L'holocauste oublié

L'holocauste oublié

Titel: L'holocauste oublié Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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pas. Une des explosions typiques de Negro fit suite à cet incident : ses yeux devinrent vitreux, ses veines saillirent sur ses tempes, ses cheveux roux et son visage cramoisi se mirent à luire comme une torche, et il hurla : « l’Anglais ! ». Zeff se présenta alors devant lui, comptant bien recevoir une pluie de coups. Mais il avait eu raison de ne réagir qu’en entendant appeler « l’Anglais », car cette conduite eut un heureux effet pour lui. En effet, après cela, Negro fit montre à son endroit d’un étrange respect. Negro était très renfermé et ne s’était certainement jamais confié auparavant à un détenu : or il s’adoucit suffisamment pour raconter à Zeff qu’il avait été naguère marin et qu’il purgeait une condamnation à vie pour meurtre.
    — Ses tendances homicides se manifestèrent de façon terrifiante par une soirée tranquille et glaciale. Après avoir fait transporter aux juifs pendant toute la journée des rochers de la carrière sans leur donner ni eau ni nourriture, Negro se jeta soudain sur eux avec une hachette. On put entendre dans tout le camp les hurlements de terreur des victimes. Les internés avaient beau être habitués à l’horreur, ils en furent impressionnés au plus profond d’eux-mêmes. Quelques juifs étaient trop faibles pour lui échapper, tandis qu’il frappait à droite et à gauche. On sait que Negro a tué jusqu’à six hommes à la fois dans une de ses crises de folie.
    — Negro avait l’habitude d’annoncer aux détenus de son baraquement le nombre de jours qui leur restait à vivre, à savoir le temps qui les séparait de l’arrivée prévue d’un nouveau contingent en provenance d’un autre camp. En apprenant cela, beaucoup de détenus se pendaient pendant la nuit aux poutres du plafond. D’autres devenaient fous et couraient en direction de l’entrée principale du camp, où ils étaient immédiatement abattus par les gardes en faction dans les miradors. D’autres encore se précipitaient main dans la main, vers les barbelés à haute tension qui se trouvaient juste derrière le Block 5. Certains se jetaient du haut de la falaise dans la carrière. Des survivants ont raconté l’histoire de deux frères bien connus et très aimés au camp, deux juifs français, qui mirent à profit la pause de midi pour dire adieu à tous leurs amis ; puis ils sautèrent dans le précipice, en entraînant avec eux deux S.S. qui se trouvaient là en train de surveiller.
    — Le soir, quand les détenus étaient affaiblis par leur journée de travail, Negro plaçait un juif sur un siège au milieu du baraquement. La tête entre les mains, ce juif était battu avec un fléau à blé qui lui arrachait la peau du corps comme une tapisserie qu’on arrache d’un mur. Les coups étaient donnés avec une telle force qu’il y avait des marques profondes dans le plancher : on peut encore les voir au Block 5, vingt-huit ans après la guerre.
    — En (190) ma qualité de sortant du Revier, je fus classé dans les disponibles, troupe disparate où les Kapos des Kommandos déficitaires venaient chercher des hommes de renfort. Véritable marché d’esclaves où les acquéreurs, qui n’avaient aucun intérêt à nous ménager, jaugeaient d’un air dédaigneux nos aptitudes physiques apparentes et n’admettaient aucune protestation.
    — « Komm ! Du ! Weg ! »
    — Mon aspect minable me fit successivement rebuter par les chefs de plusieurs équipes qui travaillaient dans le tunnel, à l’abri du froid et de la neige. Je fus enfin choisi par le tsigane, un tortionnaire célèbre, à l’aspect sinistre et qui se flattait d’avoir tué de sa main cinquante-deux prisonniers. Il venait d’avoir une mésaventure qui l’avait particulièrement ulcéré : convaincu d’avoir volé de la soupe et trafiqué des rations de pain, il avait été déchu de son grade d’Oberkapo et remis au rang de Kapo. Il prétendait devoir cet avatar à la dénonciation d’un de nos compatriotes et avait juré d’en tirer, sur un Français, une vengeance éclatante. J’eus l’honneur d’être élu non point en raison de ma taille et de ma prestance (!), mais plutôt en raison de l’importance que l’on me prêtait au camp, où j’étais appelé der Herr Postdirektor, beaucoup plus par dérision que par révérence.
    — Je me trouvai donc embrigadé dans le Kommando du tsigane qui avait, ce jour-là, la charge de la grande bétonneuse. Cet

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