L'holocauste oublié
vol en 1931. Ancien paveur de rue, ne possède aucune ressource, mais vit au jour le jour de son métier de rémouleur, est interné au camp depuis le 23 novembre 1940.
4. SIEGLER Paul, né le 6 juin 1895 à Châtellerault (Vienne), demeurant 2 bis, rue Féty à Vannes (Morbihan) ainsi qu’en fait foi un certificat de résidence délivré le 22 novembre 1940 par la mairie de Vannes. Cet homme exerce la profession de marchand de cordes et fréquente les foires et marchés aux alentours de Vannes.
Cet individu m’a montré 10 000 F en billets et possède de la marchandise pour une valeur de 10 000 F. En plus, il est propriétaire d’une voiture-auto avec remorque en bon état. Interné au camp depuis le 2 novembre 1940 avec sa femme et six enfants : Victoire 18 ans, Marie 17 ans, Catherine 16 ans, François 14 ans, Émile 12 ans, Ernestine 8 ans.
Siegler déclare avoir été condamné plusieurs fois pour chasse et pêche en temps prohibé.
De ces quatre individus, seul Debarre François, 63 ans, peut sans inconvénient être libéré. Cet homme n’est à charge de personne et peut vivre sans travailler. Quant à Chevalier et Siegler, bien qu’ayant des ressources, s’ils étaient libérés, ils seraient obligés de reprendre leur vie errante pour subvenir aux besoins de leur nombreuse famille.
La Forge en Moisdon-la-Rivière,
7 janvier 1941.
NOTE
à l’attention de Monsieur le Sous-préfet
au sujet du chauffage
Par note n° 41/M du 2 décembre dernier, il a été rendu compte des besoins du camp de concentration en combustible (charbon et bois).
La température actuelle entraîne l’obligation de faire l’impossible pour faire chauffer les locaux et pour procurer du bois et du charbon aux nomades autorisés à occuper leurs roulottes moins glaciales que les dortoirs et locaux communs.
Les gros fournisseurs de bois sont en carence. Ils affirment ne plus trouver de bois à acheter ou invoquent les difficultés de circulation pour ne pas transporter le peu de bois qu’ils réussissent à se procurer. Par ailleurs, il semble impossible d’autoriser les nomades à se procurer du bois en fagots en le payant « comptant » aux paysans voisins, cela créerait des jalousies qui dégénéreraient trop facilement en rixes et en bagarres.
Le 6 janvier courant, il n’y avait plus, à 10 heures du matin, que le bois strictement nécessaire à la cuisson des aliments du repas de midi. Par des expédients, il a été possible d’assurer la cuisson du repas du soir et un semblant de chauffage des locaux communs. Aujourd’hui les mêmes expédients seront employés. Peut-être recevra-t-on les quatre cordes de bois annoncés par la sous-préfecture (à condition que la circulation soit possible). Il n’empêche que sous quatre jours au maximum, la même situation se reproduira.
Tant qu’il sera à son poste actuel, le chef de camp s’arrangera pour faire face aux exigences immédiates, même en faisant personnellement les avances indispensables pour obtenir les fagots de « dépannage » indispensables. Mais ce n’est là qu’une solution de fortune et il est indispensable que l’Administration intervienne de toute urgence pour éviter des accidents graves et des incidents qui seront sérieux et très regrettables.
Le capitaine Leclercq, chef de camp.
Le 14 janvier 1941, le préfet recevait une lettre que lui expédiait anonymement une internée du camp tsigane.
— Je ne sais si réellement vous êtes au courant de la vie que nous subissons dans ce camp, au point de vue des travaux manuels que nous endurons par force majeure et surtout avec la nourriture si minime que nous avons, au point de vue chauffage ; des fois deux jours, trois jours sans boire, si bien que nos forces physiques et nos forces morales commencent à nous abandonner. Je ne vois pas pourquoi dans ce camp de Moisdon-la-Rivière, nous n’avons pas le même régime qu’aux départements limitrophes qui nous entourent : la Sarthe, la Vienne et la Mayenne, et nous n’avons plus rien pour nous habiller et nous avons nos hommes qui nous demandent bien des choses et nous n’avons pas d’argent pour leur envoyer.
Le préfet transmet la lettre au sous-préfet qui en établit une copie pour information au capitaine Leclercq. Ce dernier, « touché » par ces attaques, croit devoir se justifier.
— Je vous avouerai, tout d’abord, que je ne suis nullement surpris de cette
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