L'Homme au masque de fer
s’arrangeait au presbytère, là-haut, à la gentilhommière, les trois Gascons et leur pupille filaient des jours sans histoire.
Marie de Chevreuse avait été s’établir dans le village voisin, et partageait son temps entre cette résidence champêtre et le logis où des amis fidèles l’hébergeaient, à Pau. Dès qu’elle était à la montagne, un petit berger partait vers Bidarray et remettait un message au chevalier gascon… Alors, le soir, à la brune, celui-ci se glissait jusqu’à l’humble demeure où la grande dame consentait à demeurer quelques jours pour l’amour de lui…
Puis, après trois ou quatre rencontres, et pour ne pas éveiller les soupçons, la duchesse retournait à Pau.
De la sorte, chacun était parfaitement heureux, et leur vie n’aurait été marquée par aucun événement, si la haine n’avait entrepris de démolir ce bonheur tranquille.
Durbec était arrivé lui aussi à Bidarray. Il n’avait pas eu besoin de se travestir pour donner le change, son allure le rendait semblable aux petits bourgeois des environs.
D’ailleurs, il menait la vie la plus discrète qui fût, ne sortant qu’à la nuit de la maison isolée où il avait trouvé gîte, afin de rôder autour de la gentilhommière où vivait son ennemi.
Ce fut ainsi qu’il surprit le manège du courrier, et vit, à différentes reprises, arriver, à toutes jambes, un petit berger, qui entra au château.
Il le fila, et ne fut pas long à se convaincre que chaque fois que le petit pâtre venait à Bidarray, Castel-Rajac, à la nuit, enveloppé d’un grand manteau, enfourchait son cheval et partait rejoindre sa bien-aimée à travers les défilés de la montagne.
Voilà qui pouvait être d’une grande utilité… Un accident est si vite arrivé, la nuit, dans ces parages !
Mais le triste personnage ne pensait point à exécuter lui-même sa sombre besogne. Il savait qu’en cas d’échec, il aurait risqué trop gros, et il entendait bien obtenir satisfaction avec le minimum de risques.
Durbec n’était pas un novice dans ces sortes d’expéditions. Il descendit un jour jusqu’à Pau…
*
* *
– Castel-Rajac ! On te demande, mon ami…
Le gros d’Assignac entra dans la bibliothèque où le Gascon lisait. Celui-ci se leva d’un bond et jeta son livre.
– Le berger ?
– Oui… fit Hector en clignant malicieusement de l’œil, car les deux compères savaient fort bien ce que signifiait pour leur compagnon l’arrivée du gamin.
Gaëtan n’avait même pas entendu la réponse. Il s’était élancé dans le vestibule, où l’enfant l’attendait.
– Monseigneur, dit-il, voici une missive pour vous…
– Merci ! Tiens ! attrape !
Le jeune homme lui lança sa bourse en voltige, que l’autre fit disparaître dans sa veste.
Le Gascon fit sauter le cachet, ne remarquant pas, dans sa hâte amoureuse, que celui-ci ne portait pas le sceau habituel de la duchesse…
La lettre ne contenait que ces mots :
« Ce soir ! »
Il ne songea pas non plus à s’étonner de la brièveté du message. Il était obsédé par l’idée qu’il allait enfin revoir sa belle maîtresse. Les périodes où elle était absente lui semblaient désespérément longues…
Lorsque la nuit tomba, Castel-Rajac, après avoir hâtivement avalé quelques bouchées, fit seller son cheval et se dirigea vers le petit bourg de Saint-Martin d’Arrossa, où était descendue Marie de Rohan.
Le chemin était assez difficile, car le sentier côtoyait par instants de profonds précipices.
Il en aurait fallu davantage pour faire reculer l’intrépide chevalier ! Il en avait suffisamment vu pour ne point redouter les embûches que pouvait réserver la montagne nocturne.
Cependant, cette fois-ci, il devait être à deux doigts d’y laisser sa vie…
Il venait de perdre Bidarray de vue, et il suivait l’étroit chemin qui reliait les deux villages, sifflotant avec insouciance, laissant flotter les brides du cheval, tout à son rêve que berçait encore une nuit idéale de pleine lune.
Soudain, d’une anfractuosité de roc, des hommes jaillirent.
Ce fut tellement inattendu que la monture du chevalier fit un brusque écart, et sans la poigne solide de celui qui le montait, ils roulaient tous les deux dans le gouffre.
– Capédédiou, mes drôles ! cria Castel-Rajac, mettant flamberge au poing, voilà une façon peu civile de souhaiter le bonsoir au voyageur !
Mais sans lui répondre, un grand escogriffe,
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