L'Homme au masque de fer
vers Saint-Martin d’Arrossa.
Là, une étrange surprise l’attendait. Les volets étaient clos, les lumières éteintes, et à la fenêtre de la chambre qu’occupait ordinairement sa belle, le chevalier ne distingua nulle lueur.
Il allait mélancoliquement tourner bride, lorsqu’il vit surgir en courant sur le chemin le petit berger qui regagnait son gîte en galopant à perdre haleine. Il s’arrêta net en reconnaissant le chevalier et voulut faire demi-tour. Mais Castel-Rajac, sautant à bas de son cheval, eut tôt fait de le cueillir par le fond de sa culotte.
– Hé ! toi ! s’écria-t-il, viens donc ici, mon gars, que nous ayons deux mots d’explication !
Le gamin baissait le nez.
– Madame la duchesse n’est pas ici, n’est-ce pas ?
Pas de réponse.
Le Gascon tira une pièce d’or de sa bourse, lentement, et la fit miroiter sous les yeux du gamin ébloui.
– Tu l’auras si tu réponds ! Dans le cas contraire, tu recevras une volée de bois vert comme jamais tu n’en reçus !
Cette menace acheva de décider le berger.
– Non, Monseigneur ! pleurnicha-t-il.
– En ce cas, qui t’a chargé de porter ce mot ?
– Un cavalier. Monseigneur… un cavalier que je ne connais pas… Il m’a offert un écu pour la commission… J’ai accepté… Je ne savais pas…
– Hum ! Je ne suis pas si sûr que cela que ta conscience ne te reproche rien… Enfin ! Voilà ta pièce. Maintenant, ne t’avise plus de me jouer des tours pareils, sinon, je te transforme en pâté !
Le garçon se hâta de disparaître derrière un éboulis de rochers. Castel-Rajac, riant encore de son effroi, entendit le bruit des sabots claquant précipitamment sur le sol. Puis tout s’éteignit.
Le chevalier remonta à cheval et reprit le chemin de Bidarray, tout songeur. Il était clair que l’agression avait été voulue, préparée… Mais par qui ?
– Veillons ! conclut-il.
S’il avait été moins préoccupé de combattre et de se défendre, il aurait aperçu, précautionneusement abrité par une roche, un homme drapé dans une ample cape brune. Il vit l’intervention de Navailles, dont le visage était éclairé en plein par la lune. Il l’entendit se nommer au Gascon.
– Malédiction ! gronda-t-il, les dents serrées. L’homme de l’auberge ! L’envoyé du cardinal !
C’était pour lui la preuve tangible que Richelieu, loin de vouloir poursuivre le père adoptif et l’enfant de sa haine, cherchait au contraire à les protéger.
Durbec, malgré la rage qui l’étouffait, comprit qu’il avait tout à perdre et rien à gagner dans une lutte, même occulte, contre le premier ministre. Il regagna Pau par des chemins détournés.
Le lendemain matin, il reprenait la route de la capitale, abandonnant ses projets pour l’instant.
– Patience… murmura-t-il. Mon heure sonnera ! Alors…
CHAPITRE IV
LA PROMESSE DE CASTEL-RAJAC
Le temps passa. Les jours formèrent des mois, puis des années…
Castel-Rajac, ses deux amis et le bambin vivaient toujours dans leur village pyrénéen. Quelque temps, Navailles était resté dans la région. Puis, certain enfin que les protégés du cardinal ne couraient plus aucun risque, il avait rejoint Paris, non sans venir faire, de temps à autre, une incursion jusqu’à Bidarray. Il avait revu de la sorte le gentilhomme gascon et ses amis, et avait reçu, au vieux manoir, chaque fois un accueil aussi franc qu’enthousiaste. Mais il n’avait jamais dévoilé à Castel-Rajac la raison pour laquelle il revenait ainsi de temps à autre. Le marquis de Navailles était à la fois le plus loyal et le plus discret des serviteurs.
Puis ses visites s’espacèrent à mesure qu’il acquérait la certitude que ses amis n’avaient plus rien à craindre.
Peu de temps avant la dernière crise qui devait l’emporter, Richelieu partit pour Pau, espérant que le climat rétablirait sa santé chancelante.
Il se souvint alors que Pau n’est pas tellement éloigné de la Gascogne, et que dans cette province vivaient le chevalier de Castel-Rajac et son fils.
Le cardinal n’avait nullement été dupe de l’habile subterfuge employé par le défenseur de M me de Chevreuse.
Le petit Henry resterait donc officiellement le fils de Castel-Rajac, alors que le premier ministre aurait donné sa tête à couper que le garçonnet était bien celui dont la reine avait accouché clandestinement, quatre ans auparavant.
Le cardinal envoya un de ses
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