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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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C’est lui qu’il vous faut voir et les bureaux de la Marine qui se consacrent à cet art. Je crois que Sartine vous connaît. Savez-vous, Ranreuil, que Naganda m’a accompagné ce jour à la chasse ?
    – Fut-elle heureuse, Votre Majesté ?
    – Excellente ! Un vieux solitaire. Et de taille ! Votre ami m’a étonné, alors que ces bêtes-là n’existent pas dans les forêts du Nouveau Monde.
    – C’est que le feu roi votre grand-père m’avait admis à sa vautrait et initié à bien des secrets de celle-ci.
    – Et à d’autres aussi, sans doute… Enfin, le coureur des forêts s’est penché sur les traces et a décrypté les empreintes avec une intelligence et une intuition sans pareilles. Il a observé que les pinces émoussées étaient serrées, grandes et ouvertes.
    – Ce qui, Sire, dit Nicolas, prouvait que ce n’était pas une laie. Et sans doute l’empreinte débordait-elle sur le côté, ce qui sous-entendait l’ancienneté de la bête noire ?
    – Je reconnais bien là le petit Ranreuil dont mon aïeul chantait la science de la traque ! Naganda a déduit la grosseur de l’animal à la disposition des estocades qu’il avait pratiquées fort haut sur l’écorce des troncs d’arbre. La vieille bête a essayé de nous tromper. On avait deviné ses remises dans un bas-fond humide où elle se rafraîchit.
    – Avez-vous déjoué ses ruses habituelles ?
    – Justement, notre hôte, renchérit le roi, a décelé de faux rembuchers. Le gros a doublé sa voie et cherchait à nous tromper. Nous nous serions perdus et la chasse eût été gâchée si… Mais Naganda, contez-nous la chose.
    Il faisait chaud, le roi avait tombé l’habit. Comme il paraissait heureux ! Un jeune homme parlant de ce qu’il aimait avec ses amis. Des amis, songea Nicolas, qui auraient pu être ses pères.
    – Votre Majesté l’a bien observé. La bauge de la bête noire découverte, j’ai songé qu’elle usait de matoiserie, certains orignaux de chez moi le font, et qu’elle abordait sa remise en marchant à reculons. On l’a cru derrière nous, elle était devant et Sa Majesté a pu aisément la servir dans un trou d’eau.
    La conversation se poursuivit sur la chasse au caribou et les pratiques des Indiens qui utilisaient des chiens à terre lancés sur les bêtes, ne quittant pas leur piste et les poussant peu à peu dans le courant de la rivière où les chasseurs en canoë les rejoignaient pour les abattre. Thierry vint avertir le roi que l’heure d’une audience approchait. Alors que Naganda et Nicolas se retiraient inclinés, Louis saisit son policier par le bras et l’entretint à voix basse.
    – Ranreuil, cette affaire Chamberlin. Suivez-la avec attention et rendez-m’en compte, directement. Et puis j’ai quelque chose pour vous…
    Il alla fouiller dans le fatras d’un bureau pour en extraire deux plis cachetés qu’il lui remit avec un sourire.
    – Faste, monsieur, est le jour où le passé se rappelle à vous !
    Avant de les placer dans sa poche, Nicolas y jeta un œil ; l’une des écritures lui sembla familière.

    À leur retour dans la galerie des Glaces, un vieux gentilhomme perclus s’approchait. Naganda eut le temps d’interroger Nicolas sur le fumet fauve qui émanait du personnage dix pieds avant qu’il ne les croise.
    – C’est le maréchal de Richelieu. Il abuse en tout temps des extraits de musc et d’autres essences fortes susceptibles de séduire les biches. Dans ce pays-ci, c’est le plus vieux mâle de la harde !
    – Ah ! Le petit Ranreuil. Il vous suffit d’apparaître et l’on peut être assuré que des nouvelles assassines ne vont pas tarder à nous surprendre. Mais qui est ce bel officier ?
    Il morgua outrageusement le pauvre Naganda incliné de respect.
    – Monsieur le maréchal, je vous présente Naganda, sachem des Micmacs, et allié de la France dans cette guerre. Le feu roi l’appréciait. Monseigneur fut un grand guerrier…
    – Qui s’en souvient hormis vous ? dit Richelieu, saluant. Pourquoi vivre si vieux si c’est pour être oublié ? On se moque de vous comme du mont Pagnotte 27  !
    – Allons, le regret ne sied point à un homme qui a connu deux siècles, et la gloire de Mahon et de Fontenoy.
    – Flatteur ! Voilà qui me vieillit d’un coup !
    – Point du tout. Il apparaît que l’éminente dignité qui est la vôtre conserve les guerriers qui en sont revêtus. C’est un brevet de longévité.
    – Hum !

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