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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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autrement et je n’ai pu
me tenir dans les limites permises. Que voulez-vous, tout file à vau-l’eau.
    Un long silence suivit.
    – Et donc ?
    – J’ai haussé la somme des avances et des billets sur la place pour mon administration à vingt-quatre millions payables sous trois mois !
    Nicolas eut le souffle coupé à cette révélation et frémit à l’énoncé d’une somme qui représentait quatre années de ce que le ministre avait été autorisé à dépasser.
    – Cela en rajoute à une menace qui plane depuis longtemps. On peut m’abattre, mais je crois avoir fait en conscience des prodiges pour mettre la Marine sur un bon pied. Je suis au désespoir.
    – Allons, monseigneur, le roi vous aime. Mme de Maurepas vous sert sans relâche auprès de son époux.
    – Parlons-en ! Le duc de Croÿ, un mien ami, et le vôtre depuis l’agonie du feu roi…
    Il soupira et secoua la tête comme pour chasser une image que Nicolas devina.
    – Il a battu et rebattu le pavé pour moi. J’entends encore le rapport de son dernier entretien avec Maurepas. Il avait rompu la glace et parlé au plus fort. L’autre convenait de tout, mais répliquait en antienne qu’on n’avait déjà que trop donné à la Marine. Et Croÿ de répéter le caractère décisif de la guerre et d’appeler à des emprunts… Maurepas soutenait qu’ils ne seraient pas remplis et que les parlements renâcleraient. Bref, il voyait petit et faible, croyant le royaume à quia alors qu’il est riche et que c’est l’État qui manque de moyens. Son parti était pris, son plan arrêté, avec cette obstination de vieillard têtu qui ne veut plus être dérangé dans ses habitudes.
    – Rien n’y a fait ?
    – Rien. L’air fermé, il repartait sur les moyens qui n’existaient pas et que du temps où il avait eu la Marine, on ne lui en avait point donné. Et ainsi de suite… Au vrai, il veut être honoré, tranquille, en évitant tout ce qui pourrait attrister ses soupers ou inquiéter son sommeil. Aucun ressort, aucune énergie pour relever les âmes, ne croyant pas aux vertus héroïques, donc pénibles, et tenant l’amour du bien public pour une duperie. Mais je vous l’annonce, le jour où M. Necker troublera sa sérénité, son temps à lui s’achèvera aussitôt.
    – La reine…
    – C’est une affaire refroidie. Une alliée fragile, capricieuse. Désormais, de méchants mots lui échappent : doucereux menteur , avocat patelin et j’en passe des pires… Imaginez du peu…
    – Des ragots de cour. Les sentines des ruelles… Il faut savoir trier.
    – De bonne source, Nicolas, de bonne source. M’avez-vous vu jamais mal informé ? Et bien d’autres m’en veulent. Ma foi ! Il faut tenir le pot de chambre aux ministres tant qu’ils sont en puissance et leur renverser sur la tête sitôt que le pied commence à leur glisser ! L’amiral d’Estaing se plaint des tours que je lui jouerais. Moi, son ministre ! Croit-il donc que ses officiers l’apprécient qui dénoncent en lui un chef trop sévère ? Et quant aux équipages de son escadre, il leur a abandonné ses parts de prises. Voyez le bon apôtre ! Et pour compléter le tableau, sachez qu’il a paru à l’Opéra dans la loge du duc de Chartres – oui, du duc de Chartres – à la représentation d’ Iphigénie en Tauride et qu’aux acclamations du public la couronne des héros lui a été accordée !
    Il n’était pas dupe des dénégations de Sartine. Le retour triomphal de l’amiral après une retraite à Savannah due à un furieux ouragan avait coûté un monde prodigieux. D’Estaing à Versailles, devant se présenter à son ministre, avait dû, tout blessé qu’il fût et appuyé sur sa béquille, faire antichambre plusieurs heures dans les appartements du roi avant que Sartine ne consente, enfin, à paraître, boudeur et le teint fort animé. En revanche la reine avait poussé la bonté jusqu’à avancer au héros du jour un tabouret afin d’y reposer sa jambe. Nicolas considérait le ministre. Un tel abattement était sans précédent ! Le voir ainsi, succombant presque au découragement et prêt à jeter les armes ! Soudain l’homme redressait la tête, apaisé.
    – Vous êtes, me dit-on, sur une affaire touchant un contrôleur général de la Marine. Monsieur… Monsieur…
    Nicolas apprécia en amateur le dit-on et la feinte ignorance du nom.
    – Chamberlin. M. de Chamberlin.
    – Le crime est-il avéré ? Des

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