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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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paraissait conduire à une affaire d’État par la seule et simple raison des fonctions de M. de Chamberlin et des affaires – secrètes ? – qu’il était conduit – et lui seul ? – à traiter.

    La soirée était déjà fort avancée lorsqu’il franchit la porte de la Conférence. Il renvoya le cocher, le priant, si la chose était possible, de le prendre le lendemain à huit heures rue Montmartre. Hormis le fournil où régnait l’habituelle activité de la nuit, tout paraissait endormi. C’était sans compter avec Catherine qu’il gronda affectueusement de l’avoir si tard attendu. Apprenant qu’il n’avait point soupé, ni d’ailleurs dîné, elle s’affaira à l’accoutumée, ranimant du soufflet le potager, sortant le beurre de sa terrine et épluchant des oignons nouveaux, de l’ail et des herbes. Elle retira d’un poêlon où elles dégorgeaient dans de l’eau vinaigrée des amourettes de veau 28 qu’elle tronçonna en morceaux égaux. Le beurre grésillant et fonçant de couleur, elle y jeta l’abat, au préalable poivré et salé, qu’elle fit prestement revenir.
    – La chose, vois-tu, est déligate. Il faut le tour de main et ne boint faire durcir cette tendreté.
    Elle retira les tronçons pour les mettre à part et fit revenir l’oignon, l’ail et les herbes finement coupés. En un instant ce fut à point. Elle acheva la préparation par une jetée de vinaigre qui lia l’ensemble et recouvrit les amourettes de cette préparation fumante. Elle apporta du pain frais. Nicolas avait observé, l’eau à la bouche, le manège de Catherine. Il se jeta sur le plat, se brûlant tant sa gourmandise était excitée. Cette chair blanche, plus ferme que celle des cervelles, l’emplissait d’un bonheur simple et de gratitude pour Catherine qui considérait avec satisfaction le succès de sa préparation. Elle lui versa plusieurs bolées de cidre de peur qu’il ne s’étouffe. C’était un de ces breuvages un peu âpres qu’il appréciait tant pour lui rappeler sa Bretagne natale, celui qu’il buvait en cachette avec les gamins de Tréhi
guier à l’issue de leurs parties brutales de soule 29 , après s’être jetés dans les eaux de la Vilaine pour laver la fange et les plaies qui les souillaient.
    Il annonça à Catherine, ravie, le retour de Naganda, lui demanda de préparer la chambre de Louis, l’embrassa et monta dans ses appartements. En se déshabillant il sentit dans la poche de son pourpoint les plis que le roi lui avait donnés, totalement oubliés dans l’affairement de la journée. Le premier semblait avoir fait un long chemin et subi les aléas du soleil et de l’humidité. Le papier, grossier et raffiné à la fois, ne ressemblait à rien de connu. Le sceau en pain à cacheter s’était peu à peu dissous. Il le rompit et délia le message. Il reconnut aussitôt l’écriture de Pigneau, son ami de jeunesse, prêtre aux Missions étrangères depuis de longues années en Asie. Par une précédente missive, Nicolas savait que Pierre était devenu évêque en Cochinchine. Le message était bref. Il se portait bien. Il recherchait la meilleure voie pour développer la foi chrétienne et protéger ses fidèles. Pourtant, le ton était à l’inquiétude. Il soutenait un jeune prince, Nguyen Anh, qui luttait contre les rebelles Tây-Son. Il craignait d’avoir sacrifié la sécurité et même la survie des chrétiens du Daï-Viet en faisant ce choix. Il adressait sa bénédiction à Nicolas et lui demandait le secours de ses prières. Il revit le jeune homme qui l’accompagnait au concert spirituel du Louvre. Leurs sorties s’achevaient toujours par une visite à Stoehrer, pâtissier de la reine, où ils se goinfraient de babas au sirop de safran. Il songea à ces temps insouciants. Comme les années filaient !
    En soupirant, il ouvrit le second pli. Il ne portait aucune mention. Le papier commun alignait des chiffres. Le cœur lui battait. C’était un message en
code et il ne pouvait émaner que d’Antoinette. Il s’assit à son bureau, en fit jouer le tiroir secret pour en extraire un long rouleau de papier puis, plume à la main, se mit avec méthode à transcrire le message. Il lui parut aussitôt que la mère de Louis était en proie à la plus vive inquiétude. Elle l’avait rédigé dans un désordre sans doute maîtrisé en partie pour ne pas inquiéter outre mesure Nicolas. L’impression qu’elle offrait n’en était que plus forte.
    Mon bien

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