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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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appuya la pointe du scalpel sur la poitrine.

V – RÊVES ET RÉALITÉS
    Nous devons prendre ce chapitre de son début même, c’est-à-dire du moment où Hardy de Passavant sortait de l’eau. À ce moment, ses nerfs étaient exaspérés. Les quelques heures qui venaient de s’écouler n’avaient été pour lui qu’une succession d’émotions violentes.
    Un enfant de douze ans ! Bien qu’il eût la vaillance d’un homme et la force d’un adolescent de quinze ans, Hardy n’avait encore achevé que son douzième anniversaire. Un enfant, donc. Oui. Mais de quelle époque !
    Hardy, donc, d’émotion en émotion, de lutte en lutte, parvenu à la suprême surexcitation nerveuse, s’abattit tout d’une pièce, tout raide, sur le rivage, à l’instant même où, derrière lui, dans le vaste silence, retentissait la cloche de la grosse tour du Louvre.
    Sa dernière sensation fut que le battant de la cloche l’avait frappé à la nuque.
    Comme Bois-Redon s’en assura, Hardy n’était plus qu’un cadavre, semblable à tous les cadavres, sauf cet inconcevable et trop rapide raidissement du corps. Le cœur ne battait pas. La peau était livide ; les yeux révulsés. Hardy était mort…
    Les morts ont-ils une pensée ?…
    Hardy était mort.
    Et Hardy pensait.
    C’était affreux, du reste.
    Les pensées se produisirent en lui par afflux non successifs, mais simultanés ; elles accouraient des divers horizons de la conception, se heurtaient et retombaient avec fracas ; il n’y avait plus de fil, conducteur ; la logique se disloquait ; l’ordre inévitable qui règne même sur le monde idéal des fous était aboli ; c’étaient des coups de pensée comme il y a des coups de tonnerre ; c’étaient, dans la chambre noire de ce cerveau, des portes ou des fenêtres qui s’ouvraient du dehors et se refermaient en claquant par une volonté qui n’était pas la sienne.
    Cette destruction totale de direction créa en lui d’intraduisibles horreurs. L’horreur le pénétra par tous les pores. Il ne respirait pas. Mais il avait conscience d’être plongé dans une atmosphère d’horreur. La notion d’espace n’existait plus, car il se sentait seulement tomber sans fin dans il ne savait quoi. Détruite aussi la notion de temps, car il n’y avait dans cette chute aucun point de repère. Donc ces poutres maîtresses qui étayent la charpente du monde idéal, et qui nous rassurent, nous font à chaque seconde constater que nous « sommes », s’étaient écroulées ; il vivait en rien ; le sens de « rien » se fortifiait en lui ; sur ces insaisissables pensées qui l’effleuraient de leurs ailes cotonneuses, il y avait une affirmation persistante qui les dominait, qui crépitait, roulait comme un lointain et ininterrompu grondement de tambour :
    – Mort ! Mort ! Je suis mort ! Je suis dans la mort !…
    Tel fut l’état où se trouva soudain placé Hardy.
    Il était mort. Et il pensait.
    Autour de lui, cependant, les choses continuaient d’être. Avec ces choses ambiantes, peu à peu, il reprit contact. Nous disons peu à peu. Cela n’implique pas une longue durée de temps. Ce peu à peu fut peut-être franchi en quelques minutes. Mais du moment où, par le toucher, l’ouïe, la vue, il eut repris contact avec le monde naturel, il put épeler au hasard, dans l’ordre où elles se présentaient d’elles-mêmes, des sensations fantastiques, hors d’humanité, mais déjà revêtues de formes ayant quelque apparence de précision. Il épelait :
    – Tout est vertige. Une chose m’emporte {2} . Quelle chose ? Où me porte-t-elle ? Dieu ! Dieu ! C’est la mort qui m’emporte dans le vertige, et ce balancement sera éternel. Oh ! si la chose pouvait seulement ne plus me balancer !… Dieu ! Dieu ! Voici l’homme rouge qui va me guider dans le vertige éternel ! À moi ! À moi !… {3}
    Hardy crut pousser une forte clameur, mais ses lèvres ne laissèrent passer aucun son. Tout à coup, il eut la sensation que la chose cessait de le balancer ; l’homme rouge, le guide de la mort désignait son cercueil, et on le plaçait dans ce cercueil dur et froid, un lit de pierre {4} …
    Puis, l’unique sensation qui absorba toute sa curiosité fut celle d’un brasier effrayant allumé près de ses yeux {5} . Il se cria qu’il était damné. Il voulut ne plus voir la flamme, et l’effort vain qu’il fit pour fermer les yeux fut effroyable. Il sentit haleter et se débattre

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