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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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une planche, se mit en route, entra dans la Cité, parcourut la rue aux Fèves, étroite, noire, sinistre, s’arrêta devant la maison bancale et bossue qui ne tenait debout qu’en employant ses deux voisines comme béquilles. Au coup de marteau, Saïtano parut. Bois-Redon entra dans la première salle encombrée d’herbes qui séchaient en paquets, pendus aux poutres et aux murs…
    – Passez, dit Saïtano.
    Bois-Redon fit un rapide signe de croix et entra dans la deuxième salle. Le rideau était ouvert. Les trois « vivants » étaient là, sur leurs escabeaux, les veines de leurs tempes enflées par l’épouvantable effort tenté pour crier, les yeux fous, les cheveux hérissés. Et ils virent !… ils virent passer Bois-Redon avec, sur l’épaule, ce cadavre raide comme une planche…
    – Passez, dit Saïtano.
    Bois-Redon, blême, entra dans une troisième salle. Elle était dallée. Elle n’avait pour tout meuble qu’une grande table de marbre légèrement inclinée, et dans un coin, un seau en bois, dans ce seau une grande éponge. Bois-Redon comprit et déposa sur la table de marbre le corps de Hardy.
    – Aidez-moi, dit Saïtano.
    Il commençait à dévisser les fortes vis qui maintenaient au plancher les pieds des escabeaux. Bois-Redon obéit en grelottant. Bientôt les trois escabeaux furent transportés dans la salle dallée, près de la table de marbre, et les yeux fous des trois « vivants » se fixèrent sur le « mort »…
    Bois-Redon partit. Une fois dans la rue, il se mit à courir comme un insensé… il avait peur !
    Saïtano demeura seul – en présence du mort et des trois vivants.
    C’était un homme sans âge, d’une extravagante maigreur, non sans beauté dans ses attitudes, avec un visage d’un sérieux angoissant où, sur des yeux qui perçaient jusqu’à l’âme, des yeux incandescents, on ne voyait que le front majestueux et terrible. On l’avait vu à Palerme, à Naples, à Venise, à Florence, patries de stryges et de sorciers. Il venait de Rome, et son regard, qui avait sans doute interrogé les descendantes des sibylles, gardait le reflet du mystère que les siècles ont fait peser sur la Ville Éternelle.
    Saïtano songea tout haut :
    – Encore un effort, et j’y suis ! Ce que j’ai vu de cette femme au logis de la rue Saint-Martin me prouve que je suis dans la bonne voie…
    Ses yeux se heurtèrent aux regards de malédiction et d’horreur des trois enchaînés.
    – Passavant ? reprit-il. Hardy de Passavant ? Ce doit être du beau sang très pur… Silence, vous autres, silence !…
    Il disait cela aux trois bâillonnés dont les regards hurlaient. Ils entendaient ! Ils écoutaient ces paroles qui tombaient brûlantes comme du plomb fondu dans leurs pauvres cervelles affolées et s’y gravaient à tout jamais…
    – Ne criez pas ainsi, leur dit-il. Vous ne pouvez me faire ni pitié ni peur. J’ai un nom qui exclut tout sentiment humain. Je m’appelle Science. Or la science possède une logique implacable. Qu’est-ce que la science ? La conquête de la vie. La vie sans fin ! L’éternité !… Cela doit arriver. Dans dix mille ans peut-être. Mais pourquoi pas aujourd’hui ? Il s’en faut d’un rien. Vie éternelle ! Quel rêve ! quel rêve !… Cette reine stupide s’imagine que je cherche le moyen de satisfaire ses pauvres, ses basses passions, et de supprimer le fou de l’Hôtel Saint-Pol !… Sacrifier ; cela ces trois vies humaines… ce serait horrible ! Les sacrifier pour dompter la mort et me faire l’égal de Dieu, c’est autre chose ! Taisez-vous ! Que sont vos trois vies, cent, mille, un millions de vies, si j’arrive à résoudre le grand problème !
    Leurs têtes vacillaient. Ils étaient aux limites de la terreur. La folie flambait dans leurs yeux immenses remplis de plaintes et d’imprécations.
    – Je vais, dit Saïtano d’une voix étrange et tremblante, je vais mêler votre sang vivants goutte à goutte, au sang de ce mort, Assez !… Allons !… Au travail !… Commençons par ouvrir le cœur de l’enfant mort !…
    Il mit à nu la poitrine de Hardy, et posa un flambeau près de sa tête.
    De l’armoire de fer, il sortit trois flacons pareils à celui qu’il avait donné à la reine, et il les plaça sur la table de marbre. Puis, dans une boîte, il saisit un outil d’acier très mince, très affilé. Un instant, il considéra cette peau blanche, fine, délicate…
    Et tout à coup, il

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