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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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en une lutte terrible non pas son corps qui demeurait rigide, mais sa pensée affolée par la souveraine injustice de sa damnation. Il se sentit crier, hurler d’épouvante. Il eut l’odieuse impression que l’homme rouge l’avait enchaîné sur le lit de pierre, muscle à muscle, fibre par fibre ; il éprouva cette atroce et indescriptible certitude qu’il se débattait contre l’impossible, que, dans les siècles des siècles, il se débattrait ainsi…
    Brusquement, l’impression qu’il était damné, de vague et diffuse, se fit inexprimablement précise et se corrobora de détails : L’homme rouge était un démon armé d’une griffe aiguë {6}  ; le démon se penchait sur lui, et de sa griffe, allait se mettre à labourer sa poitrine…
    Enchaîné sur un lit de pierre, livré à un démon chargé de lui fouiller le cœur avec sa griffe luisante, voilà donc la forme qu’avait prise alors la pensée de Hardy – pensée de plus en plus coordonnée, de plus en plus possible à formuler. Mais en même temps que se précisaient les images de son rêve de mort, l’effroi atteignait au paroxysme. La lutte contre les chaînes devint furieuse. Il y eut l’incomparable effort d’une conscience essayant de se libérer. Et tout à coup, il comprit que du fond de son être, à son appel désespéré, accouraient toutes les forces de vie… et, avec une soudaineté de coup de foudre, il éprouva qu’il s’était délié !…
    Et, à cette seconde, à la poitrine, il ressentit une souffrance rapide… la griffe ! c’était la griffe du démon qui entrait dans sa chair !… D’un dernier effort délirant, il acheva « de se délier », et un cri terrible retentit dans la salle…
    À l’instant même où la pointe du scalpel commença à pénétrer, strida le cri du cadavre, – et Saïtano, reculant d’un pas, frappé de stupeur, demeura immobile, l’outil en l’air. Une goutte de sang vermeil mettait sur la poitrine blanche la note d’un beau rubis tremblotant.
    Effaré, il regardait cela…
    Les trois vivants regardaient aussi…
    – Qui a crié ?…
    D’un œil soupçonneux, il inspecta les trois. Mais les bâillons solides n’avaient pas bougé. Saïtano ramena son regard sur le cadavre, et précipitamment recula encore d’un pas en disant :
    – Par le Christ, c’est lui qui… oh ! le voici qui me regarde !
    Le cadavre le regardait, oui. Et presque aussitôt, il se souleva, tendit vers lui une main crispée comme pour conjurer une apparition… il se levait… il descendait de la table de marbre !…
    – Vivant ! gronda Saïtano, avec désespoir.
    – Vivant ! répéta Hardy, avec doute.
    Quelques secondes, ils demeurèrent face à face, en silence, pétrifiés. Si la soudaine souffrance du coup de scalpel avait suffi pour arracher Hardy à l’état où, dans la mort, il avait vécu de si effrayantes minutes, son esprit désemparé flottait encore entre le rêve et la réalité. Brusquement, comme un déclic, les forces d’âme et de corps s’éveillèrent. Sur la table, il aperçut la boîte à outils du savant. Il y plongea la main et saisit une lame forte et large comme un poignard. Saïtano ne parut pas avoir remarqué ce geste. Ses yeux demeuraient rivés sur la mince blessure qu’avait faite le scalpel et d’où le sang coulait, traçant une légère ligne serpentine. Il n’éprouvait nul effroi de cette résurrection, étant habitué à jouer avec les morts ; il ne se demandait même pas comment son scalpel avait touché un vivant, croyant s’attaquer à un cadavre. Mais il regardait ce sang qui coulait et frissonnait de rage : sa tentative avortait. Quelle tentative ?… Il n’était plus le savant implacable, mais sans haine ; il était un avare ruiné devant celui qui l’a dépouillé, il était le chercheur d’impossible qui, avec fureur, avec haine, contemple l’obstacle imprévu.
    Hardy et Saïtano n’avaient pas bougé de leurs places et se fixaient, les yeux dans les yeux. Les trois enchaînés, livides, regardaient, et leurs yeux tournés vers Hardy contenaient maintenant une frénétique espérance.
    Soudain, Hardy les vit. Il tressaillit. Son premier mouvement fut de s’écarter, de fuir l’exorbitante vision. Puis, presque aussitôt, dans cette généreuse nature, le courage et la pitié l’emportèrent. Il « vit » ces appels forcenés, cet espoir qui les tordait… Et il cria :
    – Oui ! oui, je vais vous

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