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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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fixées au mur toutes les cinq marches semblaient lui indiquer le chemin. Au moment où il posa un pied sur la première marche, il entendit un cri provenant d’en haut, aussi léger qu’une feuille de papier. Presque au même instant, il perçut quelque chose qui bougeait dans son dos, puis un souffle qui fendit l’air.
    Il était déjà trop tard pour éviter le coup et se retourner, l’arme à la main. Le bâton (qui était enveloppé dans du feutre, comme il l’apprendrait plus tard) l’atteignit aux tempes. Tron lâcha le revolver, son buste s’abattit vers l’avant, ses pieds restèrent coincés et il s’effondra sur l’escalier. La dernière chose qu’il se demanda avant de perdre connaissance était comment Haslinger avait pu savoir qu’il viendrait.
    1 - Petit campo , placette. ( N.d.T. )

55
    L’image était certes grise et floue – comme un cliché plongé dans un bain –, mais ensuite, les couleurs et le relief revinrent. Affalé sur une chaise comme un homme ivre, Tron reconnut Haslinger à l’autre bout de la table. L’ingénieur tenait le revolver de Sivry dans sa direction et le regardait avec un plaisir non dissimulé.
    En relevant la tête, le commissaire constata que la pièce principale du palais Da Mosto était beaucoup plus petite que la salle de bal des Tron. Contre le mur de gauche, il y avait un énorme vaisselier florentin sur lequel était posée une statue de Marie d’un mètre de haut environ, une magnifique sculpture en bois du XV e siècle, pleine de grâce. Les trois fenêtres du mur d’en face, entièrement recouvert de bois sombre dans un goût tout à fait étranger à Venise, donnaient sans doute sur le Grand Canal.
    Par son usage privé, le directeur de la filiale autrichienne de l’Imperial Continental Gas Association ne semblait pas faire grand cas de l’éclairage, car il n’utilisait même pas de lampes à pétrole. La lueur de deux douzaines de bougies se combinant avec les tons sombres du lambris jetait sur la table une fine patine cuivrée. Lorsque Haslinger ouvrit la bouche, sa voix nasillarde fit l’effet d’une rayure sur cette belle surface polie :
    — J’avais prié Milan de brider ses forces, dit-il en jetant un coup d’œil sur le domestique en livrée qui se tenait près de Tron. Le coup devait seulement vous mettre hors de combat le temps qu’on s’empare de votre arme.
    Du coin de l’œil, le commissaire nota qu’il avait eu de la chance que le domestique retienne son coup. C’était l’homme le plus grand qu’il ait jamais vu. Il devait le dépasser d’au moins trois têtes et avait les épaules si larges qu’il était sans doute obligé de passer les portes en biais. Se battre avec lui aurait été pure folie. Tron regarda alors Haslinger droit dans les yeux.
    — Qu’avez-vous l’intention de faire ?
    Il fut surpris de constater combien sa voix paraissait calme. Le pervers criminel sourit :
    — Je pensais qu’on pourrait boire un petit verre. Entre amis. Et parler de ce qui s’est passé. Je trouve que c’est la méthode la plus sympathique.
    L’ingénieur désigna une bouteille et un verre remplis d’un liquide jaunâtre, posés sur la table à côté d’un chandelier dont la flamme tremblotait à chacune de ses paroles.
    — Du rhum de Jamaïque. Ça brûle comme du pétrole, mais c’est excellent.
    — Pourquoi me dites-vous cela ?
    — J’aimerais que vous vidiez ce verre. Pour vous faciliter les choses. Un coup de feu en plein cœur est une agréable façon de mourir. On perd connaissance avant que les douleurs ne commencent. Mais je souhaite aussi que vous restiez tranquillement assis sur votre chaise au moment où je tirerai.
    Haslinger sourit à nouveau. Cette fois, son sourire était vrai, puant de triomphe, et le commissaire comprit soudain pourquoi il n’avait pas été tué sur-le-champ.
    — Je ne vous ai pas tué sur-le-champ, déclara-t-il comme s’il lisait dans ses pensées, parce que je voulais vous donner les derniers détails qu’il vous manque.
    — À savoir ?
    Haslinger désigna le rhum de la pointe du revolver.
    — Buvez, commissaire, et je vous raconte tout. Sinon…
    Il enclencha le chien. Tron porta le verre à ses lèvres, but une gorgée (mince, pourquoi en avait-il pris une si grande ?) et sentit le rhum lui brûler le gosier, descendre le long de l’œsophage comme une boule de feu et exploser dans son estomac. Pendant un instant, il fut incapable de respirer, mais quand il eut

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