L'ultime prophétie

bras.
    Archer tendit le bras et posa la lame de Banedread dessus.
Puis il la fit glisser lentement sur sa peau, se coupant profondément la peau
et la chair. Il n'avait pas besoin du loup pour savoir ce qu'il devait faire
ensuite.
    Il s'approcha de son frère et laissa son sang couler sur ce
dernier. A chaque contact du sang sur Ardred, le feu bleu brillait davantage
puis s'éteignait. Ardred se tordait et hurlait. Puis ses cris s'apaisèrent au
fur et à mesure que les dernières flammes s'évanouissaient.
    Archer sentit les cendres noires reculer, remplacées par une
obscurité qui l'envahit peu à peu. Il se trouvait face à face avec le loup et
réalisa qu'il était à genoux. Le monde vacilla autour de lui. Il avait la tête
si lourde...
    Il la laissa retomber et vit qu'il était auprès de Tess. Il
s'efforça de glisser les bras autour d'elle, de la serrer contre lui pour lui
donner un dernier baiser mais n'en eut pas la force. Au lieu de cela, il se
pencha afin de l'embrasser.
    Ses lèvres étaient plus douces que jamais.
    Et froides.
     
    38.
     
    Sara pleurait à l'approche des portes d'Arderon. Tom lui
avait parlé pendant les deux jours de marche de l'armée mais elle ne se souvenait
pas d'une seule parole qu'il eût prononcée. Elle était comme ahurie, le cœur
vide et les jambes aussi lourdes que du plomb.
    Elle le savait depuis le moment où c'était arrivé.
    Elle regarda à côté d'elle et vit les mêmes sentiments se
refléter dans les yeux de Cilla. Un gouffre s'était ouvert sous leurs pieds, un
gouffre qui ne les laisserait jamais s'échapper. Un abîme qui s'était ouvert au
moment où leur sœur leur avait été arrachée.
    La fille de Maluzza, malgré son jeune âge, l'avait senti
elle aussi. Elle était tombée dans les bras de Sara à plusieurs reprises, le
visage baigné de larmes, cherchant un réconfort que Sara ne pouvait lui offrir.
    Le soleil et la chaleur n'avaient pas adouci son chagrin.
Les arbres ne semblaient plus lutter contre le froid. Au bout de leurs
branches, des bourgeons d'un vert tendre avaient commencé à naître. A chaque
pas, il devenait évident que l'hiver avait laissé la place au printemps et
pourtant, Sara ne trouvait aucune joie dans son cœur à cette idée.
    La mort avait été le prix à payer pour ce retour du
printemps.
    La forteresse d'Arderon ressemblait désormais à une coquille
vide. Hommes et femmes déambulaient, hagards, sans but, le long des murs. En
franchissant les portes, ils n'entendirent ni pluie de flèches ni cris de joie.
Si des voix s'élevèrent, Sara ne les entendit pas.
    Ils arrivèrent au centre de la ville, là où un trône noir
était à présent couvert de buissons épineux.
    Mais ce n'étaient pas de simples buissons épineux. Chaque
branche portait une rose blanche.
    Sara se pencha et en cueillit une, décidée à la poser sur la
tombe de la femme qui s'était sacrifiée pour mettre fin à ce cruel hiver.
    Si elle parvenait à trouver la tombe.
    Elle se tourna vers une femme immobile qui marmonnait des paroles
en silence et lui demandant où gisait la Dame Filandière. La femme lui répondit mais aucun son ne sortit de sa bouche. Sara sanglota
mais la femme lui prit la main et lui indiqua le palais.
         Sara hocha la tête ; son chagrin l'empêcha d'esquisser
le sourire qu'elle aurait voulu lui offrir. Tom la guida doucement mais fermement
vers le palais et ils franchirent une porte qui menait autrefois au repaire du
cœur le plus sombre de la terre. Le lieu faisait à présent office de salle de
réception : trois rangées de tables étaient recouvertes de plats mais malgré sa
faim, Sara savait qu'elle serait incapable d'y toucher.
    Son cœur bondit soudain dans sa poitrine. Bouche bée, elle
vit trois personnes au fond de la salle. Elle en reconnut deux. Ses genoux se
dérobèrent sous elle et Tom dut l'aider à retrouver son équilibre.
    Archer et Tess. Mais un Archer et une Tess différents, plus
sophistiqués, plus légers. Ils n'étaient plus des victimes accablées par leur
destin et une terrible prophétie mais des êtres pleins de vie et de beauté.
Jamais elle n'avait vu Archer si grand, si fier ou si heureux. Toutes ces
années, ces épreuves et ces chagrins qui marquaient son visage semblaient avoir
disparu.
    Et quant à Tess, elle était radieuse. Elle souriait et son
sourire s'élargit encore en voyant Sara et Tom.
    —   Mes chers amis, les appela-t-elle.
    Sara courut vers elle, suivie de Tom.
    —   Tu